Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la France comme le reste du monde est dévastée humainement, politiquement et économiquement parlant. Le général De Gaulle, chef de la France Résistante, dans le troisième tome de ses Mémoires de guerre, parle du corps bouleversé de la France
, dont les problèmes innombrables et d'une urgence extrême se posent au pouvoir [...] de la manière la plus pressante
ce qui confirme cette idée. Afin de faire face aux tensions entre les Français dues à des souvenirs contradictoires du conflit liés au rôle qu'ils ont joué pendant la guerre, le gouvernement provisoire dirigé par De Gaulle tente de créer une mémoire collective et officielle. Néanmoins cette mémoire subit de nombreux changements et cohexiste à ses débuts avec d'autres toutes aussi influentes. Comment le contexte politique de la France d'après-guerre a pu modifier la construction des mémoires de guerre ? Il nous faudra dans un premier temps analyser l'état de la France en 1945 de manière plus approfondie. La construction des mémoires s'est faite en deux phases: une première au lendemain de la guerre 39-45, et une seconde à partir des 1970. Une étude successive de ces deux phases sera alors nécessaire.
Le territoire français est libéré en 1944 par la Résistance Française unifiée en 1942 sous le nom de France Combattante. Le pays s'avère alors gravement touché économiquement, politiquement et humainement, malgré les efforts du gouvernement provisoire dirigé par le général De Gaulle pour le redressement. La Seconde Guerre mondiale a été un conflit dans lequel toutes les ressources humaines et économiques ont été utilisées pour l'effort de guerre, soit une guerre totale causée par la faiblesse des démocraties du début du XXème siècle et les ambitions de l'Allemagne nazie, de l'Italie mussolinienne et du Japon impérialiste ayant formé les forces de l'Axe. La France est divisée en deux au cours de cette guerre: la France collaborationniste dirigée par le maréchal Pétain et dominée par l'Allemagne nazie, et la France Libre, après 1942 Combattante, sous le commandement du général De Gaulle et combattant contre l'Axe aux côtés des États-Unis, de l'URSS et du Royaume-Uni. La France est libérée progressivement entre 1944 et 1945. Le 6 juin 1944 a lieu le débarquement en Normandie, puis, le 15 août de la même année, celui en Provence. Le 25 août, Paris est libéré. Du 3 septembre au 23 novembre, Lyon et Strasbourg connaissent à leur tour la libération. Le 31 mars 1945, la Première armée française franchit le Rhin. S'ensuit la capitulation de l'Allemagne nazie le 8 mai, et du Japon le 2 septembre de cette même année 1945.
La France sort de ce conflit meurtrie et ravagée. L'on compte environ 650 000 morts français. Ce nombre, bien qu'inférieur à celui de la Première Guerre mondiale, suscite de nombreuses questions d'ordre moral étant donné que ce sont près de 650 000 civils qui ont été tués et non des soldats réguliers. Les dégâts matériels sont d'une ampleur inédite avec des infrastructures de transport et de communication quasiment inutilisables, des industries qui ne peuvent plus produire, et trois millions d'hectares réservés à l'agriculture en moins. Ils sont tels que le rationnement de la population ne s'arrête qu'en 1949. A cela s'ajoutent des villes rasées à l'instar du Havre, 83 départements endommagés sur 100, et 1800 communes sinistrées. Il en résulte un déficit exorbitant et la multiplication par trois du coût de vie de 1938, soit une situation économique dramatique. En outre, des tensions subsistent entre les Français. Chacun a une vision différente de la guerre en fonction du rôle qu'il y a joué. Certains se souviennent d'avoir distribué des tracts pour préparer la résistance française dans les années 1940 tel que le résistant Henri Ledroit, membre du Parti Communiste Français déporté au camp de Mauthausen, en Autriche, entre 1942 et 1943. D'autres se souviennent d'avoir collaboré avec l'ennemi et tentent de fuir ou de passer inaperçus. Quant à une grande majorité de Français, on se souvient d'avoir tenter de survivre à une période sombre difficile de l'Histoire. Ces différentes mémoires sont à l'origine de ces tensions. Cette mémoire de la résistance et de la souffrance, accompagnée des dégâts de la guerre renforce le désir de vengeance. Le gouvernement provisoire tente de punir par le biais de procès et de procédures juridiques officielles les anciens collaborationnistes de la Seconde Guerre, mais les Français ne veulent pas attendre la justice, trop lente à leurs yeux. Des mouvements qualifiés de populaire[s]
et spontané[s]
par le ministre de l'intérieur à la garde des Sceaux le 20 juin 1945, font entrave à la police tentant d'arrêter les collabos
et organisent de grandes épurations. Aucun milieu n'est, a priori, à l'abri, qu'il s'agisse des classes dirigeantes ou de modestes employés, ouvriers ou agriculteurs disait l'historien français Marc Bergère dans une interview du magazine Historia. Étaient entre autres touchés dans ces épurations sauvages les collabos
supposés et les femmes soupçonnées d'avoir couché avec un nazi et eu un enfant de cette union. Ce mouvement populaire fait environ 9 000 morts en quelques années. Le gouvernement provisoire entame l'épuration légale dans le même temps. Cette vaste opération de dénazification prend réellement forme entre 1945 et 1946 grâce au lancement des procès de Nuremberg, en Allemagne, contre les 24 nazis les plus influents du Reich. Les collaborationnistes et nazis sont arrêtés en grand nombre suite à des enquêtes officielles et des procès sont organisés, aboutissant généralement soit à la condamnation à mort par contumace, soit à la perpétuité.
Hier DEVANT LE TRIBUNAL MILITAIRE de Strasbourg a commencé LE PROCES DU GAULEITER WAGNER, BOURREAU DE L’ALSACE et de plusieurs de ses comparses
Je reviendrai, avait lancé Robert Wagner devant le micro de Stuttgart. Et il est revenu.Il a plutôt bonne mine, d’ailleurs. Avec et sans jeu de mots. L’ordinaire de la citadelle militaire ne doit pas être trop mauvais. Quant au moral, il semble excellent, du moins à en croire le sourire que Wagner ne cesse d’afficher.
L’ex-Gauleiter, cependant, n’a pas eu la vedette hier. Car, après avoir démarré lentement, le procès, qui a failli capoter à trois reprises, dans le maquis de la procédure, semblait vouloir prendre dans la soirée, la bonne voie. Celle de la justice, du peuple français. Ce sont surtout Gruner, Lueger et Schuppel qui ont été sur la sellette. Avec un ensemble qui n’a rien de remarquable, ils se retranchent derrière des cadavres.
Wagner, lui, parle de
fatales erreurset de directives de Berlin, Lueger fait un cours sur lajustice orientée. Quant à Schuppel, il n’a rien fait, rien vu, rien dit, rien entendu, - bref, il est complètement aboulique. Et tout ce joli monde en appelle à tout bout de champ au témoignage des cadavres.La salle n’est pas dupe. Et elle le montre d’une façon parfois bruyante. Le commissaire du gouvernement non plus, bien-sûr, et, de temps à autre, il exhibe des papiers qui rafraîchissent les mémoires défaillantes, mais à la manière d’une douche. Aucune escarmouche encore dans la défense. Des deux côtés, on s’observe. Et les défenseurs allemands des accusés observent bien. C’est, d’ailleurs en français qu’ils interviennent, avec parfois, de savoureux lapsus, tel celui qui a échappé à l’avocat de Gruner qui a parlé de la
Zivilverwältung, ici en Allemagne.Toute la durée de l’audience, des centaines de Strasbourgeois attendent devant le tribunal de revoir leur Gauleiter. Ce n’est pas, bien-sûr, pour l’acclamer. C’est pourquoi, on a pris des mesures extrêmement sévères pour protéger la précieuse personne de Robert Wagner, accusé numéro un au Nuremberg français.
J.-T. Henchès, Les Dernières Nouvelles d’Alsace, mercredi 24 avril 1946
Raconté par Jean Teichman-Henches, le procès de Robert Wagner, ancien Gauleiter, ou responsable administratif d'un territoire du Reich, ici l'Alsace, condamné à mort pour avoir assassiné près de 24 000 détenus au camp de concentration du Struthof et enrolé de force des Alsaciens dans le combat sous le drapeau nazi, montre une France déterminée à punir les responsables des souffrances du peuple français pendant la Seconde Guerre mondiale. La dénazification est à l'origine de 767 condamnations à mort en 1946. Parmi les condamnés se trouvait le second du maréchal Pétain, Pierre Laval. Le maréchal, quant à lui, est gracié et détenu à perpétuité car considéré comme sénile au cours de la guerre, ce qui s'est avéré faux selon des documents sur la question des Juifs signés par Pétain en personne découverts par l'historien Marc Klarsfeld dans les années 1990. Pendant ce temps, De Gaulle tente de réintroduire la France sur la scène internationale par l'obtention d'une zone d'occupation de l'Allemagne vaincue dans la zone Sud-Ouest, et l'intégrant au Conseil de Sécurité de l'Organisation des Nations Unies en 1945. Le GPRF* accomplit aussi de nombreuses réformes entre 1944 et 1947 afin de reconstruire la France. Les premières ont pour objectif une reconstruction interne par la nationalisation de secteurs clés tels que les banques de dépôt, les compagnies charbonnières, de Gaz et Électricité de France, ainsi que Renault pour avoir collaboré avec l'ennemi, la création du Commissariat de l'énergie atomique, la transformation d'Air France, de la Régie Autonome des Transports Parisiens ou RATP, et de la Marine marchande en sociétés d'économie mixte contrôlées par l'État. A cela s'ajoute la planification scientifique et souple des résultats des entreprises, sous la direction d'un Commissariat au plan créé en ce but et de la personne de Jean Monnet. Les autres réformes concernent la construction d'une démocratie sociale notamment par la création de comités d'entreprise dans les établissements de plus de cinquante salariés, gérant les œuvres sociales et étant informés du fonctionnement et des résultats de l'entreprise, la création d'une Sécurité Sociale
, effective en octobre 1945, alimentée par les cotisations des salariés et des employeurs prévoyant entre autre la généralisation des allocations à toute la population comme le stipule la loi du 22 août 1946 et une aide financière pour l'éducation des enfants. La France, bien que meurtrie et divisée par la guerre, se reconstruit progressivement par la mise en place d'un État-Providence, soit d'un gouvernement intervenant dans les problèmes sociaux tout en conservant ses fonctions régaliennes que sont la sécurité intérieure et extérieure, la justice et la gestion de l'économie.
Dans ce pays ravagé par les batailles, gaullistes et communistes ont tenté d'unir les Français autour d'un même souvenir de la Seconde Guerre mondiale, une même mémoire, forçant parfois à l'oubli de certains aspects de la guerre. En 1945, la nécessité d'un consensus républicain, soit l'union de tous les partis politiques dans le but de sauver la république, encourage le général De Gaulle à créer une mémoire de la Seconde Guerre mondiale, mettant entre parenthèses les crimes de Vichy. Il déclare alors Vichy nul et non avenue
et accepte d'oublier ceux qui ne se sont pas battus au nom de la cohésion nationale
, présentant ainsi le mythe d'une France entièrement résistante. Le parti communiste, comme De Gaulle, fonde toute sa légitimité dans le rôle qu'il a joué pendant la Seconde Guerre mondiale. Il se nomme alors le parti des 75 000 fusillés
, exagérant ainsi le nombre de communistes ayant combattu pendant la guerre afin d'amplifier son importance.
Gaullistes et communistes se joignent dans l'objectif de montrer une France entièrement résistante et le désir d'unir les Français. Ils proposent une vision épique de la Seconde Guerre mondiale en souhaitant qu'elle soit à l'origine de la nouvelle France. De fait, ils la diffusent dans l'opinion publique par le biais de la propagande et des manuels scolaires. Déjà en 1945, mémoire communiste et mémoire gaulliste présentaient des antagonismes, prémices des conflits qui se sont déroulés dans les années qui ont suivi. En effet, tandis que De Gaulle voulait effacer la collaboration des mémoires afin de mettre entre parenthèses les combats de la France Libre, puis Combattante, le PCF mettait en avant les combats de la résistance intérieure contre Vichy et l'occupation et à effacer le pacte germano-soviétique de 1939, se faisant alors le parti martyr
. En 1947, le président étasunien Truman lance la politique de containment
afin de bloquer l'expansion de l'URSS et Jdanov, second de Staline, appelle les alliés de l'État soviétique ainsi que tous les partis communistes à résister face à l'impérialisme
des États-Unis et des pays capitalistes. La Guerre Froide commence donc et la rupture est entamée entre gaullistes et communistes. Le PCF n'est effectivement plus au gouvernement de la IVème République et se voit diabolisé par la droite notamment du fait des liens qu'il entretient avec l'URSS, à l'instar de tous les partis communistes de son temps. On les accuse alors d'avoir été à l'origine de 100 000 exécutions sommaires lors de l'épuration, et d'avoir tenté un coup d'Etat bolchevique
en 1944, bien qu'il y ait eu consensus républicain. De son côté, le PCF continue de se placer comme le parti de la résistance et considère être incompris par la nation. Les rivalités entre mémoires gaulliste et communiste perdent néanmoins de l'importance dans les années 1950 du fait de la décolonisation qui devient le problème du moment. Le retour de De Gaulle au pouvoir en 1958 réactualise la question de la mémoire: le général souhaite en effet réunir les Français, divisés lors de la guerre d'Algérie entre les tenants d'une Algérie française et ceux d'une Algérie indépendante. La mémoire gaulliste reprend alors du dessus et atteint son apogée lors de la panthéonisation de Jean Moulin les 18, 19 et 20 décembre 1964. La sortie de films glorifiant la Résistance française tel que L'armée des ombres de Melville en 1969 participe à la primauté de cette mémoire résistancialiste* tandis que la censure s'attaque à certaines œuvres critiques tel que Nuit et Brouillard de John Cayrol et Alain Resnais, tourné en 1956 sur la base d'archives historiques et traitant de la déportation dans les camps nazis. Le gouvernement français exige en effet dès l'année de sa sortie en salle que soit supprimée une image représentant un officier français du camp de Pithiviers et toutes les traces éventuelles de l'implication de la France dans la déportation, et ce malgré l'avis des réalisateurs. Du fait de l'importance de la mémoire gaulliste et communiste, la vérité de la Seconde Guerre mondiale est tombée dans l'ombre. Les soldats de 39-45, bien que se comptant par millions, ne peuvent se glorifier de leurs combats, leur image de vaincus faisant d'eux des anti-héros. Il en va de même pour les prisonniers de guerre. Au nombre de 1 850 000 en 1940, ceux-ci restent des soldats victimes de la débâcle. Pour ce qui est des déportés revenus des camps, la France souhaite pour le moment retrouver le bonheur d'antan et oublier cette mauvaise période, ils ne peuvent de fait parler d'une expérience que l'opinion publique n'est pas prête à entendre.
Emmanuel Mounier, dans son journal L'Esprit, écrivait à ce propos que les victimes sont toujours dérangeantes [...] leurs plaintes sont lassantes pour qui désire retrouver au plus vite la sérénité bienveillante des jours. Ainsi, les premières mémoires de la Seconde Guerre mondiale ont été largement marquées par le contexte de la Guerre Froide et ont tenté de modifier les souvenirs qu'ils restaient de cette période, mettant alors entre parenthèse certains éléments tels que Vichy ou la déportation.
L'arrivée à l'âge adulte d'une génération n'ayant pas vécu la guerre, la mort du général De Gaulle en 1970 et le déclin du parti communiste marquent la mort la mémoire des années 1950 et 1960. On cherche désormais à faire renaître la vérité du conflit. Le cinéma a largement participé à ce renouveau de la mémoire. Malgré la censure, l'indignation de certains face aux crimes des nazis et Vichy n'a pas cessé d'être et de nouveaux réalisateurs s'engagent à dénoncer les années noires
. En 1971, le film de Marcel Ophüls Le Chagrin et la Pitié réduit à néant le mythe de la France entièrement résistante. Réalisé à l'aide de témoignages, de bandes des actualités françaises et de la propagande allemande, il met en scène des Français ayant choisi la collaboration, voire le port de l'uniforme allemand, et d'autres ayant opté pour la résistance, ainsi que la vie de la ville de Clermont Ferrand au cours du conflit. Le scandale est tel que la télévision qui l'a financé refuse de le programmer. Il est diffusé pour la première fois en 1981 sur FR3 et attire 15 millions de téléspectateurs. Suivent dans les années 1970 jusqu'en 1980 d'autres films tels que Lacombe Lucien en 1974 de Louis Malle, racontant l'histoire d'un jeune paysan enrôlé dans la police allemande amené à choisir entre la collaboration et la résistance, ou L'Affiche Rouge de Frank Cassenti, tourné en 1975 et sorti dans les salles en 1976, retraçant l'histoire du groupe de résistance Manouchian dont vingt deux hommes avaient été exécutés au Mont Valérien le 21 février 1944, autant de films relatant les ambiguïtés des années noires
.
En janvier 1973 est publié aux éditions du Seuil un ouvrage écrit un an auparavant aux États-Unis, La France de Vichy de Robert Paxton. L'historien étasunien, qui s'était principalement basé sur des archives allemandes, montre que Vichy avait largement insisté auprès des nazis pour collaborer dès les premiers mois de 1940 et que ces derniers avaient dans un premier temps refusé, sûrs de leur victoire. Bouleversant les idées déjà admises sur le sujet, ce travail accélère les recherches historiques sur la période. En 1978, 57 thèses déposés en France sur 130 portent sur le régime vichyste et l'Occupation. Le 23 novembre 1971, la grâce de Paul Touvier, ancien responsable de la Milice de Vichy qui se cachait depuis sa condamnation à mort par contumace en 1946 et 1947, par le président de la République Georges Pompidou scandalise les Français. Près de 2 000 articles donnent à l'affaire Touvier des ampleurs considérables et réaniment la mémoire de l'Occupation. Les associations de résistants portent plainte en 1973 contre Touvier pour complicité de crime contre l'humanité. Conscient du problème, Pompidou déclare alors le moment n'est-il pas venu de jeter le voile, d'oublier ces temps où les Français ne s'aimaient pas, s'entre-déchiraient et même s'entre-tuaient, ce qui entraîne un renforcement des critiques de l'opinion. La mémoire, contrairement à ce qu'aurait souhaité Pompidou, continue de préoccuper les Français et en particulier les survivants, leurs enfants et ceux des victimes qui cherchent à retrouver la vérité et fondent des associations de mémoires. En 1945 avait déjà été créée la FNDIRP ou Fondation Nationale des Déportés, Internés, Résistants et Patriotes. En 1990 est créée la Fondation pour la Mémoire de la Déportation ou FMD, suivi récemment par les Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, ou AFMD. De son côté, en 1980, Israël veut se trouver politiquement et souhaite créer la mémoire juive. Le terme shoah
, catastrophe
en hébreu, est alors utilisé afin nommer le génocide juif et devient le titre d'un film sorti en 1985 sur le sujet.
De même, les grands procès continuent. En 1987 a lieu le procès de Klaus Barbie et aboutit à une condamnation à perpétuité, constituant le premier grand procès français. Touvier, quant à lui, est condamné à la réclusion criminelle à perpétuité au début des années 1990, l'affaire aura donc duré dix neuf ans après ce scandale. En 1991 se déroule celui de René Bousquet, organisateur des rafles du Vel d'Hiv. Ce dernier obtient le report de son procès grâce à des protecteurs haut placés et est assassiné le 8 juin 1993. Le 16 juillet 1995, lors du 53ème anniversaire de la rafle du Vel d'Hiv, le président Jacques Chirac reconnaît la responsabilité de la France dans les crimes commis par Vichy en clamant haut et fort: Oui, la folie criminelle de l'Occupant, chacun le sait, a été secondée par des Français, secondée par l'État français. Le négationnisme, ou le fait de nier les crimes de la Seconde Guerre mondiale et de Vichy, devient dès lors un crime puni par le loi en France. En outre, de nouveaux films engagés paraissent et font découvrir des aspects de la guerre restés jusqu'alors dans l'ombre. En 2006 sort le film Indigènes. Réalisé par Rachid Bouchareb, il montre le rôle qu'ont joué les colonies françaises et réclame le versement des pensions destinées aux combattants, bloquées depuis 1959, suite à la décolonisation. Le 27 septembre 2006, le gouvernement de Dominique de Villepin annonce que les 80 000 anciens combattants de l'Empire français encore vivants allaient percevoir les mêmes retraites que les soldats français. Néanmoins, la déclaration reste douteuse, le paiement des arriérés et des intérêts sur une période de quarante ans reste en effet à ce jour en suspens. Depuis les années 1980, la mémoire du Samudaripen, le génocide tzigane pendant la Seconde Guerre mondiale, commence à être étudié en Europe mais peine encore dans les années 2 000 à être reconnu en France. Un livre et une pièce du même nom sont déjà parus mais l'écho reste faible. Néanmoins, cette mémoire en développement montre que les recherches sur les années noires
et la mémoire de la guerre 39-45 n'ont pas encore abouti.
En conclusion, au sortir de la guerre, le gouvernement provisoire a tenté vainement d'unir les Français autour d'une même mémoire officielle mais n'a pas pu résister au déchirement idéologique dû à la Guerre Froide. La mémoire, du fait de nouvelles découvertes dans les années 1970, redevient le centre de nombreuses recherches et tend désormais à se rapprocher de la vérité des années noires
de la France. Mais malgré le nombre des travaux menés, de nouvelles questions et de nouveaux éléments apparaissent et ont du mal à être reconnu en tant que tels par le gouvernement comme le montre le film Indigènes et la mémoire du Samudaripen.
Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la France doit se reconstruire, trouver sa place dans la Guerre Froide à partir de 1947, et faire face à la décolonisation. La tâche incombant à la IVème République s'avère dès lors immense et difficile. Comment ce nouveau régime qui suscitait tant d'espoir a pu aboutir à une impasse ? Pour le savoir, une analyse chronologique recoupant les débuts de la IVème République, ses premières difficultés, et la mort du régime sera nécessaire.
Au lendemain des années noires
, les libérateurs souhaitent la naissance d'une nouvelle France. La IIIème République disparaît suite à un référendum le 21 octobre 1945 avec 96% des voix contre le maintien du régime. Des élections législatives sont alors organisées et donnent la majorité à trois partis politiques, le Parti Communiste Français possédant le plus grand nombre de voix à l'Assemblée, le Mouvement Républicain Populaire à tendance de droite, et la Section Française de l'Internationale Ouvrière ou SFIO, à tendance socialiste. Cet ensemble formant un système tripartiste laisse le général De Gaulle à la tête du gouvernement et est chargé de la rédaction d'une nouvelle constitution. Jusqu'ici un consensus républicain impliquait que les partis politiques laissent de côté leurs différences idéologiques pour se consacrer à la reconstruction de la France. Mais les prémices de la Guerre Froide y mettent fin et les tensions entre les partis réapparaissent et s'affirment véritablement lors de la rédaction de la constitution. Chacun veut en effet mettre en avant ses idées au détriment des autres. De Gaulle, dont les idées diffèrent largement avec celles du Parlement, démissionne dès lors le 20 janvier 1946, espérant être rappelé, et explique ses théories dans le discours à Bayeux le 16 octobre 1946.
Discours de De Gaulle, prononcé à Bayeux le 16 octobre 1946:
Du Parlement, composé de deux Chambres et exerçant le pouvoir législatif, il va de soi que le pouvoir exécutif ne saurait procéder, sous peine d'aboutir à cette confusion des pouvoirs dans laquelle le gouvernement ne serait bientôt plus rien qu'un assemblage de délégations. Sans doute aura-t-il fallu, pendant la période transitoire où nous sommes, faire élire par l'Assemblée nationale constituante le président du gouvernement provisoire, puisque, sur la table rase, il n'y avait aucun autre procédé acceptable de désignation. Mais il ne peut y avoir là qu'une disposition du moment. En vérité, l'unité, la cohésion, la discipline intérieure du gouvernement de la France doivent être des choses sacrées, sous peine de voir rapidement la direction même du pays impuissante et disqualifiée. Or, comment cette unité, cette cohésion, cette discipline, seraient elles maintenues à la longue, si le pouvoir exécutif émanait de l'autre pouvoir, auquel il doit faire équilibre, et si chacun des membres du gouvernement, lequel est collectivement responsable devant la représentation nationale tout entière, n'était, à son poste, que le mandataire d'un parti ?C'est donc du chef de l'État, placé au dessus des partis, élu par un collège qui englobe le Parlement mais beaucoup plus large et composé de manière à faire de lui le président de l'Union française en même temps que celui de la République, que doit procéder le pouvoir exécutif. Au chef de l'État la charge d'accorder l'intérêt général quant au choix des hommes avec l'orientation qui se dégage du Parlement. A lui la mission de nommer les ministres et, d'abord, bien entendu, le Premier, qui devra diriger la politique et le travail du gouvernement. Au chef de l'État la fonction de promulguer les lois et de prendre les décrets, car c'est envers l'État tout entier que ceux-ci et celles-là engagent les citoyens. A lui la tâche de présider les Conseils du gouvernement et d'y exercer cette influence de la continuité dont une nation ne se passe pas. A lui l'attribution de servir d'arbitre au dessus des contingences politiques, soit normalement par le Conseil, soit, dans les moments de grave confusion, en invitant le pays à faire connaître par des élections sa décision souveraine. A lui, s'il devait arriver que la patrie fût en péril, le devoir d'être le garant de l'Indépendance nationale et des traités conclus par la France.
Du Parlement, composé de deux Chambres et exerçant le pouvoir législatif, il va de soi que le pouvoir exécutif ne saurait procéder, sous peine d'aboutir à cette confusion des pouvoirs dans laquelle le gouvernement ne serait bientôt plus rien qu'un assemblage de délégations. Comme le montre cette phrase, le général refuse la prééminence que le Parlement tente de s'accorder par le biais de la constitution qui aboutirait à la fin du gouvernement en tant que corps à part entière de la IVème République, et donc à un retour à la IIIème République. La rhétorique comment cette unité, cette cohésion, cette discipline, seraient elles maintenues à la longue, si le pouvoir exécutif émanait de l'autre pouvoir, auquel il doit faire équilibre, et si chacun des membres du gouvernement, lequel est collectivement responsable devant la représentation nationale tout entière, n'était, à son poste, que le mandataire d'un parti ? ne fait que confirmer cette idée selon laquelle l'exécutif ne serait plus qu'un instrument de l'Assemblée et ne pourrait plus maintenir la cohésion du pays. Selon lui, c'est au chef de l'État que revient le pouvoir de promulguer les lois, de faire des décrets, de nommer le Président du Conseil. Ce dernier devrait enfin se situer au dessus de la vie politique quotidienne afin de jouer le rôle d'arbitre. Suite à un premier refus au référendum, la constitution finale est adoptée le 13 octobre 1946, malgré un taux d'abstention élevé. Naît alors un régime bicamériste et parlementaire proche de celui de la IIIème République, ce qui montre que les les dégâts de la guerre sont tels que les Français se préoccupent peu de la politique.
La France est en effet littéralement meurtrie. L'inflation est exorbitante, le marché noir subsiste, et le rationnement se maintient jusqu'en 1949, sans compter les dégâts matériels. Pour y remédier, l'État se lance dans une politique interventionniste, avec l'accord du tripartisme, et use de la nationalisation, à l'origine de la constitution d'un vaste espace public, et de la planification, dirigée par le Commissariat au Plan à partir de 1945, sous le commandement de Jean Monnet.
La France se lance aussi dans la modernisation et l'industrialisation, ce qui se traduit par un fort élan productiviste. On lance des politiques de grands travaux. Ainsi est construit en 1952 le barrage de Donzère-Mondragon.
Cette politique est financée par les impôts et les emprunts, l'investissement de l'État, l'interventionnisme représentant près de 40% des dépenses publiques en 1949, et, à partir de 1947, par le plan Marshall, refusé par le PCF. Elle entraîne des divergences croissantes entre les membres du tripartisme. En effet, s'ils soutiennent totalement la planification et le plan, les communistes sont en désaccords avec les moyens employés pour lutter contre l'inflation. A partir du printemps 1947, PCF et CGT soutiennent les luttes salariales, les ministres communistes de l'Assemblée votent contre le maintien du blocage des salaires et ainsi, contre le gouvernement Ramadier auquel ils participent. Ce dernier remanie son gouvernement en renvoyant les communistes qui l'entouraient le 5 mai 1947, considérant que la solidarité ministérielle a pris fin. Le tripartisme laisse alors place à la Troisième Force, alliance des socialistes, du MRP et des modérés souhaitant lutter contre les lubies
des communistes et les tentations autoritaires
des gaullistes. La gauche est désormais à nouveau divisée et la politique de réformes a pris fin avec ce changement politique. La voie de la reconquête du pouvoir est donc ouverte à la droite. En avril 1947, un mouvement s'organise autour des idées de De Gaulle: le Rassemblement du Peuple Français, ou RPF.
Celui-ci dénonce les travers des institutions et du régime de la IVème République tout en s'opposant aux communistes. Ce dernier s'avère le grand gagnant des élections municipales d'octobre 1947 avec 38% des voix contre 10% pour le MRP, 30% pour le PCF et 22% pour les modérés. Au cours de la même période, De Gaulle exige vainement la dissolution de l'Assemblée Nationale. A partir de 1947, un certain reflux de l'interventionnisme du fait de la rupture du tripartisme, de la mise à l'écart des socialistes dans la Troisième Force au profit des radicaux et modérés partisans du libéralisme et de la libre-entreprise voit le jour, provoquant le retour au mécanisme de marché. L'agitation sociale, ouvrière et communiste, ne s'arrête pas pour autant. Causée par de mauvaises conditions économiques et sociales, la doctrine Jdanov et la création du Kominform en septembre 1947, elle se traduit par de nombreuses grèves, manifestations et troubles en tous genres, dont le sabotage. Les CRS, créés en 1944, et l'armée répriment ses révoltes, parfois très violemment comme dans le Nord de la France en 1948. Cette année, les mineurs, sous l'impulsion de la CGT, s'étaient mis en grève contre la révision de leurs statuts pendant deux mois et ont dû faire face aux deux organismes, autorisés à faire feu sur les grévistes. Le PCF se retrouve alors isolé politiquement, considéré comme étant le parti de l'étranger et à la solde de Moscou. En janvier 1947 ont lieu de nouvelles élections législatives portant au pouvoir un membres du MRP, Vincent Auriol, au rang de président de la République et laissant Paul Ramadier au poste de président du Conseil. Cette succession de gouvernements en à peine quelques mois annonce déjà l'une des limites de la IVème République: une instabilité politique flagrante due à l'importance des partis politique.
Le régime est effectivement loin d'être parfait: instabilité gouvernementale, problèmes structurels et circonstanciels, et problèmes liés au contexte politique mondiale sont caractéristiques de cette République d'après-guerre. L'instabilité politique est le premier problème de la IVème République. En effet, 23 ministères se sont succédés entre 1947 et 1958, soit un environ tous les six mois, avec les même dirigeants, échangeant simplement de rôle. Trois causes expliquent ce phénomène: l'importance de l'Assemblée, la rupture du tripartisme, et la double investiture. L’Assemblée élisant le président de la république et contrôlant le gouvernement, les candidats ne peuvent qu'être des personnes choisies par les partis politiques et, de fait, sont souvent les mêmes mais portés à des postes différents en fonction des votes. La fin du tripartisme, quant à elle, limite le nombre de candidats en éliminant les communistes et les gaullistes de la course vers le pouvoir. La double investiture reste la cause la plus importante. L'ancien président du Conseil Ramadier, après avoir été investit par l'Assemblée, y était retourné par excès de zèle afin de faire investir son gouvernement. Celle-ci refusait si l'un des ministres ne plaisait pas, forçant alors à une reconstitution du gouvernement. Cette pratique, non-écrite dans la constitution, a été répétée et donc, explique bien en grande partie cette instabilité gouvernementale qui touchait la France et empêchait tout projet à long terme et toute politique cohérente. La IVème République fait aussi face à des problèmes d'ordre structurels et circonstanciels. En effet, bien que la production agricole retrouve son niveau de 1938 en 1948, la production industrielle obtient des résultats disparates: ils sont excellents pour l'électricité et le pétrole, les nouvelles énergies de ce siècle, et faibles pour le charbon et l'acier. D'autre part, une stagnation des résultats du textile et du bâtiment est observable. Jusque dans les années 1950, une croissance économique a bien lieu. Vers la fin des années 1940, le déficit budgétaire est presque résorbé, les déficits extérieurs ont largement diminué et l'inflation est stabilisée à 11% entre 1949 et 1950. Cette dernière reprend en 1951 à plus de 17% du fait de l'augmentation des prix des matières premières entraînée par la guerre de Corée et les besoins des États-Unis, l'augmentation des dépenses militaires françaises en raison du réarmement dans le cadre du Pacte Atlantique et de la guerre d'Indochine, et de la relance de la consommation à laquelle celle des importations et des déficits extérieurs ont fait écho. Le Plan Monnet est alors prolongé jusqu'en 1952.
La reconstruction est achevé mais la modernisation reste modeste et les déséquilibres subsistent sur le plan démographique, financier et social. Le baby-boom
se poursuit jusque dans les années 1960, élargissant la demande, tandis que le nombre d'inactifs à la charge de la population active, du fait du vieillissement de la population, augmente. L'on compense dès lors le manque de main d'œuvre par des gains de productivité, l'allongement de la durée de travail au-delà des 40 heures légales, l'exode rural qui se fait de plus en plus fort, et le recours à l'immigration. En matière de finances, l'inflation et le déficit de la balance commerciale et du budget de l'État persistent tandis que le franc est dévalué progressivement. L'inflation creuse alors les inégalités sociales: les grands perdants sont les salariés et les retraités et les gagnants, ceux ayant quelque chose à vendre, à l'instar des agriculteurs, des industriels et des commerçants. Tout en travaillant à la reprise économique, la Troisième Force lance la construction européenne en créant la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier, ou CECA, en 1949 et en élaborant le projet de la Communauté Européenne de Défense, ou CED, mais les sujets de discorde se multiplient en son sein et font éclater la coalition. La droite réussit néanmoins à revenir au pouvoir grâce au Conseil National des Indépendants, ou CNI, créé en 1949, et devient la nouvelle force nécessaire à la formation des gouvernements. Antoine Pinay, l'un de ses membres, est ainsi investi en 1952 et lance une politique libérale rassurant l'opinion. Il parvient à maîtriser l'inflation par un emprunt indexé sur l'or, et lie l'évolution de la valeur du salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) à celle des prix. Sur le plan social, il opte pour la politique de rigueur. Son grand échec reste le projet de redressement du budget qui n'a jamais pu être réalisé et a entraîné la chute de son gouvernement en 1953. Les gouvernements qui lui succèdent doivent, quant à eux, faire face à la remontée de l'antiparlementarisme avec le poujadisme. Ce mouvement corporatiste, nationaliste, à l'antisémitisme flagrant, créé au début des années 1950 autour de la personne de Pierre Poujade visait à défendre les intérêts des petits commerçants et artisans face à la modernisation d'après-guerre et à la pression fiscale.
La troisième difficulté que connaît la IVème République est le contexte politique à l'échelle internationale. En 1947, la France accepte le plan Marshall, et de s'allier aux États-Unis et au camp de l'Ouest en entrant dans l'OTAN. Du fait de l'OECE, elle entre dans la construction européenne, dont elle se fait la principale actrice avec l'Allemagne de l'Ouest. La CECA naît en 1949 et est appliquée en 1951. L'année suivante, le gouvernement français propose la CED mais le Parlement, parce que contre la construction de cette Europe, refuse. La décolonisation s'ajoute à ce contexte conflictuel de Guerre Froide et de naissance de l'Europe. Entre 1946 et 1954 a lieu la guerre d'Indochine. Face au désir d'indépendance de la colonie, la France choisit la fermeté, faisant abstraction de l'instabilité de son régime. Cette dernière est si forte que les décisions finissent par prises directement par l'armée, indépendamment de l'État. Le conflit se solde par une lourde défaite de la France. La guerre n'a que peu de retentissement dans le pays, les civils n'y ayant pas été envoyés et l'Indochine n'étant pas une colonie de peuplement. Paradoxalement, la défaite discrédite tout de même l'armée et le gouvernement et entraîne un changement ministériel. Pierre Mendès France devient alors le nouveau gérant de la défaite française en Indochine.
Son gouvernement dure de juin 1954 à février 1955. Bien que faisant partie des gouvernements ayant duré le moins longtemps, il reste le plus marquant. Sous Mendès France sont en effet signés les accords de Genève en 1954 et sont ouvertes les négociations avec Bourghiba à propos de l'indépendance de la Tunisie. Cette politique allait à l'encontre de l'attachement des Français à l'empire, le nouveau président du Conseil suivant ce qui lui paraissait juste. Elle prend fin avec la guerre d'Algérie, où Mendès France choisit la fermeté comme ses prédécesseurs, à la différence qu'il ne souhaite pas user de la violence, ce qui lui vaut alors son remerciement en 1955. Les difficultés rencontrées par la IVème République sont donc de taille et gagnent en ampleur avec la guerre d'Algérie.
La guerre d'Algérie est directement à l'origine de la fin de la IVème République en 1958. En 1956 sont organisées de nouvelles élections afin de former le nouveau gouvernement. Malgré le développement de l'extrême droite, aucune majorité ne ressort du suffrage. Celui-ci porte alors au pouvoir un gouvernement centre-gauche, fondé autour de la personne de Guy Mollet.
Ce dernier prend alors de nombreuses initiatives telle que la troisième semaine de congés payés, et fait avancer le problème de la décolonisation en accordant l'indépendance au Maroc et à la Tunisie. Il s'investit aussi dans la construction européenne en signant le Traité de Rome, fondateur de la Communauté Économique Européenne (CEE), en 1957. En 1954, l'Algérie souhaite s'émanciper et, du fait du refus de la France considérant la colonie comme un département à part entière de son territoire, une guerre éclate. Mollet tente de trouver une solution mais fait l'erreur de croire que le Front de Libération Nationale (FLN), mouvement indépendantiste de l'Algérie, accepterait de négocier et que le désir d'indépendance des Algériens et l'attachement des Français d'Algérie à la Métropole pourraient être compensés. Sa deuxième erreur était donc de croire que le FLN représentait tous les Algériens, oubliant les communistes et les traditionalistes. Le gouvernement français s'enlise alors dans le conflit, tout en continuant de parler de pacification
, la guerre d'Algérie n'étant pas considérée comme telle par la France. Guy Mollet se rend à Alger le 6 février 1956. Confrontés à l'hostilité de la population, il défend vite les intérêts des Français d'Algérie. Il est alors remercié en mai 1957. Son gouvernement aura été le le plus long de la IVème République, ayant duré 16 mois. La guerre continue et s'aggrave pendant ce temps. Lors de la bataille d'Alger qui débute le 7 janvier 1957, le général Jacques Massu réussit avec son détachement de parachutistes à attraper les membres du FLN et à reprendre la ville, et ce par des moyens violents. En outre, la communauté internationale, tout comme les gaullistes, condamne l'action de la France. Enfin, il faut rappeler que le conflit a un coût et que le pays finance difficilement ses interventions militaires. La IVème République est donc mise à mal par le conflit algérien. Armée qui obéit de moins en moins au gouvernement, gaullistes qui sont contre la constitution, et activistes français en Algérie souhaitant matter
le FLN, font tout pour que achever le régime. Le 13 mai 1958, les généraux français organisent un putsch à Alger. Le gouvernement français, dépassé, rappelle alors le général De Gaulle. Ce dernier avait démissionné en 1946, ayant compris les difficultés que subirait le régime, dans l'espoir d'être rappelé. Il accepte de revenir au pouvoir à condition que la constitution soit changée. Le président de la République Cothy pensait que la France, divisée entre les tenants d'une Algérie française et ceux d'une Algérie indépendante, était au bord de la guerre civile. Il réussit à faire accepter au Parlement le retour de De Gaulle sous menace d'une démission. Le général devient président du Conseil le 1er juin 1958. Le 3 juin de la même année, la constitution est changée et accorde désormais plus de pouvoir à l'exécutif, marquant ainsi la fin de la IVème République.
La IVème République aura duré 12 ans et aura lancé la construction européenne, reconstruit la France, affronté la décolonisation, et aura été à l'origine de réformes économiques et sociales non-négligeables. La guerre d'Algérie et le retour de De Gaulle en marquent la fin et font entrer la France dans la Vème République.
En 1954, la guerre d'Algérie éclate. Quatre ans après, De Gaulle est rappelé au pouvoir pour régler ce conflit dans lequel la France s'est enlisée. Il établit alors une nouvelle constitution lui offrant le pouvoir nécessaire pour accomplir cette mission. Néanmoins, cette constitution faite par et pour lui permet la naissance d'une Vème République qui subsiste encore aujourd'hui. Comment est né et a évolué ce nouveau régime politique de 1958 à nos jours ? Pour le savoir, nous analyserons chaque mandat chronologiquement. Par souci de neutralité, nous arrêterons notre étude à l'année 2008.
La Vème République voit entre 1958 et 1974 se succéder deux septennats: celui de De Gaulle et de son ancien Premier ministre Georges Pompidou. Voyant le conflit algérien s'éterniser et craignant une guerre civile française opposant les pro-indépendantistes et les tenants de l'Algérie française, le président de la IVème République René Cothy appelle De Gaulle au pouvoir en 1958. Ce dernier accepte au prix d'une réécriture de la Constitution, ce qui est effectif le 3 juin de la même année. Naît alors un nouveau régime, plus présidentiel, basé sur les idées énoncées par le général en 1946, défendant un pouvoir exécutif fort par opposition au système institutionnel instable de la IIIème République.
Des élections législatives donnent la majorité aux gaullistes de l'UNR, ce qui permet à De Gaulle de mener ses projets à bien. Le 21 décembre 1958, De Gaulle devient président de la République. Dès lors le régime présidentiel se met réellement en place du fait de sa pratique inédite du pouvoir. Il est en effet le premier président à user des médias pour se mettre en avant et mettre à l'écart le Parlement. Il est aussi un des grands utilisateurs du bain de foule
, où le président serre la main des citoyens suite à des débats afin d'accroître sa popularité en se faisant plus proche du peuple.
Une fois élu, l'homme du 18 juin
s'attèle au règlement de la question algérienne. Le 4 juin 1958, il déclare sur le balcon du siège du gouvernement général à Alger Je vous ai compris
, calmant ainsi les manifestants qui, quelque soit leur camp, ont cru avoir été entendus par le général. En octobre de la même année est annoncé le plan Constantine qui accroît les investissements publiques en Algérie, le FLN* refusant la paix des Braves
qui préconisait un cessez-le-feu avant toute négociation. Le 16 septembre 1959, De Gaulle proclame le droit des Algériens à décider de leur destin
et, le 11 avril 1961, lors d'une conférence de presse,
la décolonisation est notre intérêt et par conséquent notre politique
. Néanmoins, la majorité des Pieds-Noirs, Algériens d'origine européenne, se mobilise pour défendre l'Algérie française. De fait, ils applaudissent la tentative de putsch des généraux à Alger le 22 avril 1961. Cette action avait pu être stoppée par le refus des soldats contingents de suivre les rebelles et la première et dernière utilisation à ce jour de l'article 16 de la Constitution, autorisant le chef de l'État à prendre les pleins pouvoirs en cas de grave crise, pendant le délai nécessaire à la résolution de celle-ci. Par la suite, une partie de ces conjurés entre la clandestinité en créant l'OAS*, qui multiplie attentats et violences pour garder l'Algérie française. Le 18 mars 1962 sont signés les accords d'Evian qui débouchent sur un cessez-le-feu, et le 1er juillet 1962 est décidée par plébiscite l'indépendance de l'Algérie. Les Pieds-Noirs sont alors forcés au départ et rejoignent la métropole, qu'ils ne connaissent pas, dans des conditions matérielles difficiles. Les Harkis, ou militaires algériens s'étant battu aux côtés de l'armée française, sont quant à eux massacrés par les forces du FLN à partir du 3 juillet 1962 et ont réussi pour certains à rejoindre une France qui ne les a reconnus que très tardivement. Le conflit aura finalement terni l'image du pays qui, sous le substantif de la pacification
, a usé de la torture et méprisé les droits de l'Homme pour lesquels il disait se battre. Le succès est tout de même réel pour De Gaulle qui voit sa popularité s'accroître. A tel point, qu'il décide d'aller plus loin dans la "présidentialisation du pouvoir".
En 1962, il propose que le président soit élu au suffrage universel direct. Le général doit alors faire face à une forte opposition du Parlement voyant son pouvoir réduit ainsi que des partis politiques et du Conseil Constitutionnel craignant une dictature à l'image de celle engendrée par l'élection de Napoléon III, un souvenir encore présent dans le monde politique français d'après-guerre. L'opposition est telle que le Parlement censure pour la première fois le gouvernement, ce à quoi le président réplique par la dissolution de l'Assemblée. De Gaulle organise dès lors un référendum le 28 octobre 1962 et obtient une réponse favorable du peuple français. Les élections législatives donnent ensuite la majorité aux gaullistes, populaires de par leur chef de file. Pompidou redevient alors Premier ministre, après avoir été remplacé par Debray remercié pour son attachement à l'Algérie française. Au cours de sa présidence, De Gaulle propose aux Français ce qu'il nomme un grand dessein
: rétablir et défendre le rang de la France dans le monde. Pour ce faire, il dote le pays de la bombe atomique en 1960, par refus de considérer les États-Unis comme les seuls pouvant déterminer la politique en Occident et par refus de l'entrée du Royaume-Uni qu'il voit comme un cheval de Troie
de la superpuissance. De même, il fait sortir la France du Conseil de commandement de l'OTAN, alliance militaire des États-Unis, qui était plus un lieu de décision de l'État américain qu'un réel conseil entre plusieurs pays membres. De Gaulle pense que l'Europe ne peut être qu'une Europe des patries
, et non un État fédéral.
Il mène en outre une politique économique fondée sur un nouveau franc* qui reste constant jusqu'en 1969, sur un budget stable grâce à une gestion marquée par l'équilibre des dépenses et des recettes et sur une balance des paiements extérieurs équilibrée. Il hisse ainsi la France au même niveau que les autres puissances économiques. En matière de politique intérieure, le contexte des Trente Glorieuses permet de moderniser et industrialiser la France. Cette politique est en particulier l'œuvre du Premier ministre Georges Pompidou. Il soutient en effet des réalisations de prestige tels que la construction du navire transatlantique France ou le premier avion supersonique Concorde. Il soutient aussi les secteurs de pointe promis à un grand avenir à l'instar de l'aéronautique, le nucléaire ou encore l'informatique et la télécommunication. En 1963, Valéry Giscard d'Estaing, alors ministre des finances et des affaires économique, propose au gouvernement un plan de stabilisation afin de lutter contre l'inflation basé sur la restriction des crédits, le blocage des prix et le contrôle des changes. Ce plan entraine un léger ralentissement de la croissance économique mais n'empêche pas le miracle économique français
. De 1958 à 1968, la production industrielle augmente de 50%, le plein emploi devient effectif dans ces mêmes années 1960, et en 1968, le niveau de vie moyen atteint le double de celui de 1950. La France est ainsi portée à une croissance économique de 5% par an en moyenne.
L'État étend de la même manière son pouvoir par des politiques de grands projets et d'aménagements du territoire. Dans les années 1960 est créée la DATAR, ou Délégation à l'Aménagement du Territoire et l'Attractivité Régionale, chargée de préparer, d'impulser et de coordonner les politiques d'aménagement du territoire menées par l'État ainsi que d'accompagner les mutations économiques en privilégiant une approche offensive de la compétitivité
. La France remédie à l'hégémonie de Paris en se livrant à une décentralisation industrielle encouragée par la hausse des taxes en périphérie de la capitale, en développant des métropoles d'équilibre servant de relais culturels et économiques, et en transformant le réseau de transports par la création d'autoroutes. Néanmoins, la modernisation oblige à des reconversions difficiles. En mars 1963, les mineurs mènent une grève générale, menacés par une politique énergétique misant sur le pétrole, la nouvelle énergie de la seconde moitié du XXème siècle, et rejetés d'une économie qu'ils avaient contribué à relever.
De Gaulle réussit néanmoins à être élu au premier suffrage universel direct, au second tour, en 1965, face à Mitterrand, avec 54,4% des voix. Ce pourcentage de voix montre malgré tout une usure du pouvoir pratiqué par le général. Cette observation est confirmée par les élections législatives de 1967 qui sont remportées de justesse par les gaullistes. En outre les mouvements de grève reprennent et des tensions se font connaître entre les gaullistes qui ne comprennent pas la politique extérieure de De Gaulle. L'on peut en partie expliquer ce phénomène par les mutations de la société. La société française est devenue une société de salariés, avec une caste d'employés, qui s'est largement développée grâce aux transformations économiques, et une portion d'ouvriers dans la population active en déclin du fait de la tertiarisation que connaît le pays. À cela s'ajoutent des inégalités sociales grandissantes. Une classe sociale est privilégiée par la fortune et l'accès à la culture et regroupe la plupart des technocrates et riches, parfois ayant un rôle politique. Une autre regroupant la majorité des Français est connue sous le qualificatif de classe moyenne
. Enfin, une dernière concerne tous ceux ayant des problèmes de logement et vivant souvent dans des bidonvilles. Chômeurs, immigrés, petits paysans n'ayant pas pu faire face à l'industrie productiviste, ouvriers et personnes âgées aux pensions réduites sont généralement représentatifs de cette classe. De plus, les jeunes issus du baby boom
n'ayant pas connu la guerre ont atteint pour la plupart la majorité et se sont créé une culture propre issue de l'américanisation et notamment marquée par le rock'n roll.
En outre, ces jeunes pensent la société et sont largement influencés par le communisme. En effet, Che Guevara, bien qu'autoritaire, devient une icône de par son charisme tout comme Hô Chi Minh. De même, la révolution culturelle chinoise a son impact dans la pensée de la jeunesse. Ce phénomène aboutit finalement aux événements de mai 1968. Sous-estimés par De Gaulle, ce mouvement de dimension internationale visait, en France, à renverser les mœurs et le pouvoir politique usé qu'incarne le général, alors âgé de 77 ans, sous des slogans tels que sous les pavés, la plage
, ou il est interdit d'interdire
. La place des jeunes et des femmes, famille, Église, syndicats et partis politiques, modèles hiérarchiques et autoritaires qui régissaient le pays sont autant de sujets motivant les manifestations. Cette révolte se déroule en trois temps. Du mois de mars au 12 mai commence la révolte étudiante. Le 22 mars, les étudiants de Nanterre, regroupés en groupuscules d'extrême-gauche, sous la direction de Daniel Cohn-Bendit dit Dany Le Rouge, occupent la tour administrative de l'université.
La fermeture de l'établissement entraîne un déplacement à la Sorbonne que la police fait évacuer le 3 mai. A Paris, le quartier latin est en état de siège. On construit des barricades et des affrontements ont lieu entre les étudiants et les forces de l'ordre dans la nuit du 10 au 11 mai, dite la première nuit des barricades
. La répression est violente malgré les recommandations qu'avait données Pompidou pour que personne ne soit tué. Le mouvement s'étend malgré tout en France et toutes les facultés sont occupées. Du 13 au 27 mai, le mouvement devient une crise sociale. Le 13 mai a lieu une manifestation gigantesque dans la capitale visant la personne de De Gaulle avec pour slogan 10 ans, ça suffit
. Le même jour est décidée une grève générale à l'appel des syndicats ouvriers par solidarité avec les étudiants. La grève paralyse dès lors l'industrie et les services publiques et le 24 mai a lieu la seconde nuit des barricades. Le 27 mai, les accords de Grenelle sont négociés entre le gouvernement, le patronat et les syndicats. Sont décidées l'augmentation des salaires, la diminution du temps de travail et l'affirmation du droit syndical dans les entreprises. Néanmoins, les ouvriers, informés de l'événement par les syndicats, refusent les accords. La crise prend alors des ampleurs politiques du 27 mai au 23 juin. De Gaulle est désormais entièrement dépassé par les événements dont il ne saisit pas l'ampleur. La gauche de son côté tente de se positionner en faveur de l'opposition. Le 28 mai, Mitterrand et Mendès-France se disent prêts à assumer le pouvoir que leur donnerait la gauche unie. Mais la gauche reste divisée. Le lendemain, De Gaulle s'enfuit contre toute attente en Allemagne, et rencontre le général Massu à Baden-Baden en RFA, envisageant un recours à la force armée. Face un échec, il revient et décide de faire face. Le 30, il fait une allocution annonçant la dissolution de l'Assemblée et des élections législatives. Il en appelle à la défense de la République, selon lui, menacée de la dictature
du communisme totalitaire
. Le soir, une manifestation gaulliste est organisée sur les Champs-Elysées. L'issue des élections législatives a satisfait toutes les forces politiques, hormis l'extrême-gauche qui la dénonce par des slogans comme élections-trahison
ou élections-piège à con
. Les élections législatives de juin 1968 sont effectivement des élections faîtes dans la peur, largement cultivée par la droite, le parti gaulliste UDR, et les médias, d'une menace communiste et de l'anarchie. L'UDR obtient grâce à cela la majorité absolue à l'Assemblée. L'autorité de De Gaulle est néanmoins ébranlée au profit de Pompidou qui a été réellement présent tout au long de la crise. Le général exige alors sa démission et le remplace par un gaulliste qui lui est fidèle: Maurice Couve de Murville. De Gaulle organise ensuite un référendum sur les régions et le Sénat où il précise clairement vouloir se recrédibiliser. Il cumule dès lors les oppositions avec 53, 2% de non. Il démissionne alors le 28 avril et se réfugie chez lui à Colombey-les-Deux-Eglises où il meurt le 9 novembre 1970 d'une rupture d'anévrisme.
Pompidou était considéré comme le dauphin
de De Gaulle, comparé à Louis XIV. Il se présente toutefois aux élections présidentielles dès 1969 contre un autre candidat de droite, Alain Poher et fait l'unanimité de la droite. Il se dit le candidat de l'ouverture dans la continuité
. La gauche, de son côté, demeure divisée. Quatre candidats se présentent avec chacun un programme différent: Jacques Duclos, issu du PCF, Gaston Deferre, issu du SFIO, et Michel Rocard, issu du PSU (parti socialiste unifié), parti d'extrême-gauche hostile à la guerre d'Algérie. Au premier tour, Pompidou arrive en tête avec 43,9% des voix tandis que Poher n'obtient qu'un score de 23,4%. Quant à la gauche, elle est directement éliminée du second tour avec des scores ne dépassant pas les 30% des suffrages. Au second tour, Pompidou est élu avec 57,5% des suffrages exprimés en 1969. Il mène dès lors une politique plus souple que celle de De Gaulle mais qui reste dans des objectifs semblables. Il continue l'industrialisation et la modernisation de la France, notamment en développant le programme nucléaire et en développant les raffineries. En matière de politique intérieure, le pouvoir présidentiel reste toujours aussi fort. Sous le gouvernement du Premier ministre Jacques Chaban-Delmas, l'État tente de faire face aux agitations sociales, notamment celles provoquées par le féminisme, le combat pour l'homosexualité et les luttes ouvrières.
Chaban mène en ce but une politique réformiste. Il remplace le SMIG, salaire minimum indexé sur la croissance, par le SMIC, salaire minimum indexé sur le pouvoir d'achat, et instaure la mensualisation du salaire des ouvriers. Un problème se déclare toutefois. Chaban est accusé d'être trop libéral dans sa politique et avait accumulé les scandales financiers. Diplômé en études supérieures d'économie, il arrivait en effet à détourner les lois du système financier français légalement à son avantage. Pompidou lui demande dès lors de démissionner en 1972 et le remplace par Pierre Messmer.
En 1973, Pompidou et son gouvernement s'éloignent de la politique de De Gaulle en laissant le Royaume-Uni entrer dans la CEE, permettant ainsi un nouvel élargissement de l'union en intégrant un pays jusqu'ici écarté. En 1971, la gauche se consolide autour de Mitterrand et Mendès-France lors du Congrès d'Epinay ou congrès d'unification des socialistes
, au cours duquel Mitterrand devient premier secrétaire du Parti Socialiste et le programme commun de la gauche en vue des élections est mis au point. Le second gouvernement doit alors faire face à cette remontée en puissance. Pompidou, qui délaissait de plus en plus son travail, meurt des suites de la maladie de Waldenström* dans son studio de l'Île Saint-Louis à Paris le 2 avril 1974. La France doit dès lors organiser de nouvelles élections et faire face au premier choc pétrolier décidé par l'OPEP cette même année 1974.
Le pays entre dans une période de rupture avec, en 1974, la première présidence de la droite non-gaulliste représentée par Valérie Giscard d'Estaing, et, à partir de 1981, la première présidence socialiste avec le double septennat de Mitterand. La République vit aussi à ce moment là les premières alternances et cohabitations au sein de son gouvernement. Au premier tour des élections de 1974, la gauche apparaît unie autour de François Mitterrand, seul candidat socialiste, contrairement la droite qui paraît, elle, divisée entre l'ancien Premier ministre Chaban-Delmas et Valéry Giscard d'Estaing, issu de la droite non-gaulliste.
Mitterrand est en tête du premier tour avec 43,4% des suffrages mais se fait dépasser par Giscard d'Estaing au second tour de 300 000 voix. Ce dernier déclare alors que commence une ère nouvelle de la politique française
. Au cours de ce nouveau mandat, la France doit faire face au premier choc pétrolier et de fait à une nouvelle crise économique. En effet, le choc a quadruplé le prix du pétrole brut, entraînant un accroissement du déficit extérieur et de l'endettement du pays à l'instar de bon nombre de pays dépendant du pétrole. La France connaît alors une diminution de sa production industrielle de 10% en 1975 et l'augmentation de 10% par an de l'inflation à partir de 1974. La crise se traduit par une hausse progressive du chômage: le nombre de chômeurs passe effectivement de 100 000 à 2 millions entre 1964 et 1981. Les difficultés sociales deviennent de plus en plus préoccupantes avec la contraction du niveau de vie, l'apparition d'une nouvelle pauvreté, les inégalités sociales toujours plus profondes, la montée du mécontentement de la population et la marginalisation d'une partie de la jeunesse. Ces problèmes font de la situation économique de la France la préoccupation première du gouvernement. Giscard d'Estaing nomme alors Jacques Chirac Premier ministre, chef du parti gaulliste majoritaire à l'Assemblée. Sous ce gouvernement sont prises diverses réformes politiques et sociales importantes. On réforme les mœurs en instaurant le divorce par consentement mutuel et les lois du ministre de la santé Simone Veil promouvant la libéralisation de la contraception en octobre 1974 et autorisant l'interruption volontaire de grossesse (IVG) en janvier 1975.
De même sont prises des réformes plus politiques et administratives comme la majorité à 18 ans, la modification du statut de la ville de Paris qui doit désormais être dotée d'un maire, celle faisant de l'ORTF qui gérait jusqu'ici la radio et la télévision un ensemble de sociétés autonomes tels que TF1, A2 ou Fr3, ou encore la création d'un secrétariat à la condition féminine. À cela s'ajoutent des réformes sociales comme la généralisation de la Sécurité Sociale, l'institution de la taxe professionnelle*, l'indemnisation de 90% du salaire pendant un an pour les chômeurs ainsi que certaines mesures prises pour les handicapés. Pendant ce temps, la gauche remonte dans l'opinion publique. Toutefois, le président souhaite mener une politique plus libérale que ses prédécesseurs afin de moderniser la fonction présidentielle et être plus proche des Français. Il remonte alors les Champs-Elysées à pied et en veston, permet des changements de rythmes dans la Marseillaise afin de la rendre moins belliqueuse et prend des petits déjeuners avec des éboueurs afin mettre fin à la dramatisation gaulliste de la vie politique. Mais des problèmes se font rapidement jour entre Chirac et Giscard qui ne s'entendent pas, entraînant la démission du Premier ministre en 1976. Il est alors remplacé par Raymond Barre, économiste professeur à la faculté de Lyon.
Celui-ci opte pour la politique de rigueur afin de lutter contre l'inflation. Les difficultés s'accumulent néanmoins avec l'impopularité du gouvernement et le second choc pétrolier en 1979 qui entraîne une nouvelle récession l'année suivante. En 1978 sont organisées des élections législatives. La droite apparaît divisée entre le RPR (Rassemblement pour la République, droite gaulliste) de Chirac et l'UDF(Union pour la Démocratie Française) de Giscard. Il en va de même pour la gauche, partagée entre le PS et le PCF. La présidence de Giscard en est que plus difficile. Elle contribue cependant à la construction européenne. Le Conseil Européen est créé en 1974. De même, les premières élections au Suffrage Universel des députés européens ont lieu en 1979. Enfin, la CEE crée le système monétaire européen ou SME et tente d'instaurer une monnaie unique, l'ECU (ancêtre de l'Euro). Néanmoins, les élections présidentielles portent Mitterrand au pouvoir en 1981. Au premier tour, Giscard paraissait en tête devant Mitterrand, Chirac et Georges Marchais du PCF. Mais Chirac réussit à reporter ses voix sur celles de Mitterrand, faisant de lui le nouveau président de gauche élu à 52% des voix. Plus que l'action de Chirac, le contexte, défavorable à Giscard d'Estaing, et l'attitude de Mitterrand, qui se voulait rassurant, ont beaucoup joué dans ces élections.
Le nouveau président nomme tout d'abord Pierre Mauroy Premier ministre, puis dissout l'Assemblée Nationale.
Les élections législatives laissent place à ce que l'on appelle depuis la vague rose
. En effet, la majorité est représentée par le PS et le PCF emporte de nombreuses de son côté. Il ne touche toutefois pas à la Constitution, bien qu'il y était opposé auparavant. La victoire de la gauche aux élections est telle qu'elle entraîne un état de grâce
: l'opinion publique est dans une attente positive vis-à-vis du gouvernement. Dès lors, Mitterrand amorce un programme révolutionnaire: le gouvernement, qui comprenait quatre ministres communistes, déclare en effet vouloir changer la vie
et rompre avec le capitalisme
. La première alternance politique, ou arrivée au pouvoir d'un président et d'une Assemblée différente des précédents, est donc totale. On use du keynésianisme afin de lutter contre la crise et le chômage. Le SMIC est alors revu à la hausse tout comme les salaires et les allocations, afin de relancer la consommation et la production. De même est instaurée la cinquième semaine de congés payés pour les ouvriers afin de permettre le tourisme ainsi que la semaine de 39 heures sans baisse de salaires censée laisser du temps pour consommer et engendrer la nécessité d'embaucher du fait des horaires. En outre est créée la retraite à 60 ans pour tous les Français, afin de laisser place à la jeunesse, ainsi que l'ISF (Impôt sur les Grandes Fortunes). À cela s'ajoutent d'autres formes fortes telles que la décentralisation du pouvoir de Paris, donnant plus d'importance aux régions, l'élection du Conseil Régional au suffrage universel, qui perçoit désormais des impôts et assume plus de fonctions, dont la création des lycées. De même de nombreuses nationalisations sont faites, notamment de groupes industriels comme l'industrie d'armement Dassault, de banques, et des compagnies financières dont SUEZ et Paribas.
Mitterrand et son gouvernement prennent aussi des décisions symboliques importantes. En 1981, grâce au combat de certains Hommes à l'instar du garde des Sceaux Robert Badinter, est abolie la peine de mort. Cette même année, la politique de réforme touche l'audiovisuel, ce qui permet l'apparition de chaînes privées telle que TF1 et des radios libres. Sont aussi réformées la Santé, avec désormais un budget spécial pour renouveler et moderniser l'équipement, et les universités dont les infrastructures et les cursus sont adaptés au nombre en hausse des élèves. La politique de relance échoue malgré tout car celle-ci s'opposait à la politique de rigueur adoptée par les autres pays européens. A cela s'ajoutent la peur des patrons d'être ruinés qui les rendait méfiants vis-à-vis du gouvernement, et les déséquilibres financiers entraînés par cette politique. Les Français ayant épargné au lieu de consommer, l'argent n'est pas revenu à l'État et l'économie n'a pas pu être relancée. L'État opte à nouveau pour la politique de rigueur en 1982 ce qui est une réussite sur le plan économique mais un échec sur le plan social: elle met effectivement fin à l'état de grâce et rend les dirigeants de plus en plus impopulaires. La droite et l'extrême-droite reviennent alors sur la scène politique française. Le second fait une entrée fracassante et obtient 11% des voix aux élections européennes de 1984. Croyant voir sa popularité remonter, Mitterrand remplace son Premier ministre par Laurent Fabius qui mène dès lors une politique de gauche plus libérale mettant en pratique d'anciennes réformes, mais qui ne règle pas la situation sociale de la France.
Mais un changement radical a lieu en 1986. En effet, de nouvelles élections législatives sont organisées et sont remportées par la droite. Selon la Constitution, le Premier ministre doit être le chef du parti majoritaire à l'Assemblée. Mitterrand est donc dans l'obligation de choisir Chirac malgré leurs relations tendues et leurs idées opposées: c'est la première cohabitation. Le gouvernement qui gère la politique intérieure mène alors une politique plus capitaliste. Il privatise de nombreuses industries, banques et assurances, abolit l'ISF. Mais lui et le président, qui gère la politique étrangère, doivent faire face à des difficultés d'ordre nationale et internationale. En effet, en 1986 ont lieu des attentats à Paris et une prise d'otages au Liban. De même, les États subissent un krach boursier en 1987. A cela s'ajoutent les agitations sociales, notamment de la SNCF, et étudiantes dans les mêmes années, ainsi que la mobilisation de la gauche contre le gouvernement considéré comme trop libéral et les agitations en Nouvelle Calédonie, colonie souhaitant son indépendance totale. En 1988, Mitterrand est tout de même réélu contre Chirac. Il dissout alors l'Assemblée, profitant du fait que les Français le suivent. La gauche remporte à nouveau les élections législatives. Le président nomme Michel Rocard au poste de Premier ministre.
La politique de rigueur salariale et budgétaire est de mise au cours de ce nouveau mandat. De même, le gouvernement opte pour le dialogue social et crée le RMI, revenu minimum d'insertion, financé par un impôt de solidarité sur les salaires les plus importants. L'État réussit, en outre, à apaiser les tensions en Nouvelle Calédonie et participe à la guerre du Golfe, ou guerre du Koweit, contre l'Irak de Saddam Hussein. Un problème subsiste néanmoins avec la politique de Rocard. Celle-ci n'est ni à droite ni à gauche et déplaît fortement au gouvernement. De plus, Rocard est extrêmement populaire. Mitterrand exige de fait sa démission le 15 mai 1991 et le remplace par Édith Cresson jusqu'en 1992, puis par Pierre Bérégovoy jusqu'en 1993. Le problème du chômage persiste toutefois. Malgré l'annonce d'un plan pour l'emploi
, le seuil des 1 millions de chômeurs est atteint en 1992. Néanmoins, l'inflation est réduite de 2% et la balance commerciale rééquilibrée. Pendant ce temps, la construction européenne continue avec la signature du traité de Maastricht cette même année 1992, faisant ainsi de la CCE l'Union Européenne ou UE. Malgré tout, les problèmes économiques et sociaux sont tels que le taux d'abstention monte tandis que les scandales telle que l'affaire du sang contaminé s'accumulent, touchant le financement même des partis politiques. Aux élections législatives de mars 1993, le PS n'obtient que 17,4% des suffrages au premier tour. Une seconde cohabitation a donc lieu entre Mitterrand et Edouard Balladur.
Ce dernier mène une politique de privatisation et est à l'origine de la première réforme des retraites dans le privé ainsi que du SMIC-jeunes qui avait provoqué des mécontentements. Le taux de chômage continue néanmoins d'augmenter. Ainsi, les cohabitations et l'alternance n'arrivent pas à régler les problèmes économiques et sociaux.
La dernière période de la Vème République connaît de nouvelles ruptures avec la seconde cohabitation et l'arrivée de Nicolas Sarkozy et, avec lui, d'une nouvelle manière de gouverner. Grâce à ses diplômes de Sciences-Po et de l'ENA, Jacques Chirac avait pu intégrer la politique et avait intégré le cabinet de Pompidou en 1962. Il avait par la suite gravi les échelons. En 1995, les élections présidentielles le portent au pouvoir. Il annonce dès lors une nouvelle génération d'Hommes politiques. Il s'inscrit dans la continuité d'un gaullisme de gauche
susceptible de séduire l'opinion publique par ses promesses de relance de la croissance, de recul du chômage et de réduction de la fracture sociale
. Il nomme Alain Juppé Premier ministre mais celui-ci se rend très vite impopulaire à cause de son autoritarisme et de son projet de réforme de la Sécurité Sociale qui avait entraîné un vaste mouvement de grève des transports en hiver 1995.
En 1997, le président décide donc de dissoudre l'Assemblée dans l'espoir de conserver la majorité. Mais les élections législatives donnent aux contraire la majorité à la gauche, deux ans après l'élection de Chirac. Le président nomme alors Lionel Jospin Premier ministre.
Ce dernier fonde un gouvernement de gauche plurielle composé de membres du PCF, du PS et du parti des verts, parti écologiste créé dans les années 1970, sur le thème changer d'avenir
. Il met en place la CMU* qui étend la Sécurité Sociale à tous les résidents dont les revenus ne permettent pas payer des cotisations. Afin de faire reculer le chômage, il crée des emplois-jeunes et réduit le temps de travail à 35 heures. De même, pour répondre à la précarité des familles monoparentales et recomposées, en augmentation constante, il crée le PACS en 1999 qui permet à deux personnes de mêmes sexes, l'homosexualité ayant été reconnue en 1980, ou de sexes différents de vivre ensemble avec les avantages du mariage sans passer par celui-ci. Les conjoints peuvent alors s'entraider matériellement et avoir recours à la justice en cas de besoin. Mais, tout en séduisant les cadres, cette politique de gauche perd ses électeurs traditionnels que sont les ouvriers et les employés sensibles aux problèmes de sécurité en se coupant de ses références idéologiques. Fin 2000, le chômage repasse sous la barre des 10% grâce à une bonne conjoncture économique mondiale. Chirac réussit toutefois à apporter un changement institutionnel radical en faisant accepter par référendum cette même année 2000 le passage du mandat présidentiel de sept ans à cinq, permettant ainsi d'éviter de nouvelles cohabitations et alternances. Le 21 avril 2002, de nouvelles élections présidentielles sont organisées et représentent un véritable séisme politique
. Les représentants du RPR et du PS, Chirac et Jospin, n'obtiennent que 35% des suffrages, l'abstention est de 7%, et Le Pen, candidat de l'extrême-droite est qualifié au second tour. Plus de la moitié des électeurs se sont abstenus ou ont rejeté les candidats susceptibles de gouverner le pays. Jacques Chirac est néanmoins élu au deuxième tour contre Le Pen et son parti politique, renommé l'UMP (Union pour la Majorité Présidentielle), et remporte les élections législatives en juin 2002: c'est la seconde alternance. À cette position de force reconquise s'ajoute un acte diplomatique important: en février et mars 2003, Chirac impose son veto à la guerre en Irak ce qui lui vaut un regain d'estime au niveau national et international. Toutefois, les gouvernements de Jean-Pierre Raffarin puis de Dominique de Villepin n'arrivent pas régler les problèmes économiques et sociaux qui persistent. La croissance reste faible, le chômage augmente constamment et et l'endettement massif de la France accentue la fracture sociale
que voulait éliminer Chirac en 1995. En outre, les victimes de la canicule de 2002 remettent en cause le système de santé que la plupart des Français pensaient fiable. En 2004, les élections régionales et cantonales aboutissent à une percée des socialistes qui s'emparent de 20 des 22 régions de métropole. De même, le refus du traité constitutionnel européen lors du référendum du 29 mai 2005 apparaît comme une second séisme politique
.
Le 27 octobre 2005, à Clichy-sous-bois, une tentative de vol est signalée par un riverain sur une barque de chantier au commissariat de Livry-Gargan. La police intervient alors et tente d'interpeller six jeunes individus d'origines africaines ou nord-africaines: quatre dans le parc de Vincent Auriol et deux autres dans le cimetière à côté d'un poste de transformation EDF ou se cache Bouna Traoré (15 ans), Zyed Benna (17 ans), et Muhittin Altun (17 ans), qui prennent alors la fuite. En cherchant à se réfugier dans le transformateur, Traoré et Zyed Benna meurent d'électrocution. Quant à Altun, il est gravement brûlé mais parvient à regagner le quartier. Selon les enregistrements des conversations radios, un gardien de la paix présent sur place aurait dit à trois de ses collègues qu'il avait vu les jeunes se diriger vers l'installation et aurait déclaré S'ils rentrent sur le site EDF, je ne donne pas cher de leur peau
. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, excluait une faute policière et déclarait même que les jeunes n'étaient pas poursuivis par la police. La cour de justice qui n'avait pas immédiatement ouvert l'enquête a cependant mis en cause deux gardiens de la paix: le policier qui était sur place et qui a fait l'appel radio et la policière stagiaire qui était ce soir-là au standard. Tous deux se voient reprocher de n'avoir pas tenté de porter assistance aux adolescents en sachant qu'ils étaient entrés au péril de leur vie dans le transformateur. Très vite, la rumeur accuse les policiers d'être à l'origine de l'incident et des émeutes éclatent dans de nombreuses banlieues de France. Ces émeutes, diffusées à l'échelle nationale et internationale dans les médias, s'arrête en novembre 2005. Au total, environ 600 personnes ont été emprisonnées, dont plus d'une centaine de mineurs et des coûts de réparations pour les dégâts matériels dépassant le million d'euro, monnaie unique en UE introduite en France entre 1992 et 2002.
Ces événements, auxquels s'ajoutent les manifestations du printemps 2006 contre le Contrat Première Embauche, contrat à durée indéterminée destiné aux moins de 26 ans, laissait à penser que la gauche l'emporterait aux élections en 2007. Toutefois, Nicolas Sarkozy, candidat de l'UMP, l'emporte contre Ségolène Royale, candidate socialiste, avec 53,1% des voix, soit le meilleur résultat de la Cinquième République, et avec un taux de participation élevé. Naît avec lui une nouvelle manière de gouverner. Jamais le président de la République n'a été autant médiatisé et jamais il n'a autant joué dans la politique nationale et internationale. Le 17 mai 2007, il nomme François Fillon Premier ministre. Ce dernier forme un gouvernement de quinze ministres, de gauche, du centre-droit, et de la société civile, auxquels s'ajoutent quatre secrétaires d'État et un haut-commissaire. Le ministère de l'économie et des finances laisse place au ministère chargé du budget de l'État et le ministère de la stratégie économique et du développement. Alain Juppé revient au gouvernement et prend la tête d'un ministère alliant l'écologie, l'aménagement territorial et le transport, conformément à un pacte écologique signé par Sarkozy au cours de sa campagne présidentielle. Est aussi créé le ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, ce qui entraîne de nombreuses polémiques.
A l'issue des élections législatives de juin 2007, l'UMP remporte la majorité absolue à l'Assemblée Nationale, avec 313 députés sur 577. Fillon reforme alors un nouveau gouvernement, sans Alain Juppé, seul ministre battu dans sa circonscription. Des réformes sont alors faites au niveau social. En juillet 2007, une franchise sur les médicaments, les actes paramédicaux et tous les transports sanitaires est mise place afin de lutter contre le cancer et la maladie d'Alzheimer, et pour l'amélioration des soins palliatifs*. En août de la même année est votée la loi TEPA qui défiscalise les heures supplémentaires et allège les droits de succession. En matière de politique étrangère, plusieurs lois sont adoptées pour limiter l'immigration clandestine, notamment la loi du 20 novembre 2007, controversée du fait de l'établissement d'un dispositif sur les tests génétiques, ainsi que l'autorisation d'effectuer des statistiques ethniques, disposition censurée par le Conseil Constitutionnel. De même, des mesures sont prises pour lutter contre la récidive*: la loi Dati est votée en août 2007 et instaure entre autres des peines plancher, ou peines minimales incompressibles. Ce type de loi, déjà observé au Royaume-Uni ou au Canada, est vivement critiqué car va à l'encontre du principe d'individualisation des peines.
La Cinquième République est donc née de la crise algérienne et a persisté depuis, paraissant, malgré les alternances et cohabitations, beaucoup plus stable et efficace que les précédentes. Néanmoins, de nombreux scandales éclatent au cours de la présidence de Sarkozy et l'opposition se fait de plus en plus forte. Lui qui déclarait faire gagner plus
aux Français a réalisé l'inverse. De plus, ses liens avec les grandes industries pharmaceutiques lors de la grippe H1N1, l'exclusion des Roms et leur conduite en Roumanie, ajoutés au rôle que le dictateur Kadhafi aurait, selon ses dires, joué dans le financement de sa campagne n'ont fait que baisser sa popularité et sa crédibilité et ce ne sont que des exemples.