Chapitre II

Décolonisations du XXème siècle : Origines, processus et conséquences

Introduction

I) Le rôle de la Seconde Guerre mondiale dans l’aspiration des colonies à l’indépendance

II) Les décolonisations du XXème siècle

III) Naissance et éclatement du Tiers-Monde

Conclusion

Introduction

Au cours de la seconde moitié du XIXème siècle, l’Europe étend sa domination sur une grande partie du monde. Centres de gravité du commerce mondial, pouvant compter sur une population en forte croissance, sûrs de leurs valeurs et voulant gagner de nouveaux marchés, le Royaume-Uni et la France colonisent la majeure partie de l’Asie et de l’Afrique. Ils s'octroient alors le devoir de civiliser les populations considérées « inférieures » comme le disait l’historien français Ernest Renan, dans son ouvrage La Réforme intellectuelle et morale paru en 1871. La colonisation devient dès lors source de prestige et de puissance pour l’Europe qui peut alors renforcer son dynamisme économique et répondre aux besoins d’une population européenne de plus en plus nombreuse. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la décolonisation met fin aux empires coloniaux. Nous nous interrogerons sur les origines et le déroulement de cette émancipation. Dans un premier temps, il nous faudra s’intéresser au rôle de la Seconde Guerre mondiale dans l’aspiration des colonies à l’indépendance. Puis, nous aborderons successivement les deux vagues de décolonisation qu’a connu le XXème siècle. Enfin, nous analyserons la naissance et l'éclatement du Tiers-Monde ainsi que les enjeux qu'il a représenté.

I) Le rôle de la Seconde Guerre mondiale dans l’aspiration des colonies à l’indépendance

La Seconde Guerre mondiale constitue l'élément déclencheur de cette vague d'émancipation, faisant naître deux superpuissances anticolonialistes, renforçant les tensions entre les métropoles et les colonies qui réclament l'indépendance. Elle force de la même manière le Royaume-Uni et la France à abandonner leurs mandats.

A) Les aspirations croissantes des peuples colonisés à l’indépendance

Des contestations de la colonisation se faisaient déjà connaître avant la guerre, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur des métropoles, et s'étaient largement renforcées après la Première Guerre mondiale. En effet, des intellectuels européens tels que l'écrivain André Gide ou le scientifique Albert Einstein, les Etats-Unis, l'URSS, ainsi que des mouvements nationalistes combattaient le colonialisme européen par le biais de manifestations pacifiques comme celles exigées par le meneur des indépendantistes indiens Gandhi, d'affrontements directs ou d'interventions officielles à l'instar de Wilson et de ses Quatorze Points. Faite en 1918, cette intervention promouvait le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Mais au cours de la guerre 39-45, l'Europe, qui s'était rendue maitresse du monde durant la seconde moitié du XIXème siècle, s'affaiblit considérablement et subit différents événements telle que l'occupation de la France, qui ont entièrement détruit le mythe de la supériorité de la « race blanche ». De plus, la lutte contre les fascismes menée au nom des droits de l'Homme devait aboutir à la reconnaissance des droits des peuples colonisés et leurs indépendances mais n'a jamais eu de suite. De fait, les mouvements nationalistes déjà existants se sont largement renforcés et radicalisés. Ainsi, en 1942, en Inde le Parti du Congrès dirigé par Gandhi et Nehru lance le slogan « Quit India », soit « les Anglais hors de l'Inde ».

Gandhi, chef du mouvement indépendantiste indien (1869-1948), http://maddingue.free.fr/dico-jap/images/photos/Gandhi.jpg

En février 1943, le chef du mouvement anticolonialiste algérien Ferhat Abbas crée un manifeste du peuple algérien rassemblant pour la première fois toutes les forces politiques musulmanes. En janvier 1944, les nationalistes marocains fondent à leur tour le parti de l' « Istiqlal », soit de « l'indépendance ».

B) L’engagement de l’ONU et des pays colonisateurs

A cette première cause s'ajoute l'engagement de l'ONU et des pays colonisateurs. En 1941, le Premier ministre britannique Winston Churchill et le président étasunien Roosevelt se réunissent afin de décider de l'après-guerre. Ils en viennent alors à signer la Charte de l'Atlantique prévoyant la création d'une organisation internationale chargée de garantir la paix et permettre la reconstruction du monde. Une des clauses de cette charte, introduite par Roosevelt, décrétait l'autonomie des colonies à la fin de la guerre. A la fin du conflit, le Royaume-Uni devait se conformer à la charte mais au moment l'introduire au Parlement, Churchill change les termes « les colonies » en « pays récemment pris à l'Allemagne ». Le but est ici que la Grande-Bretagne l'accepte. Dirigé par un parti travailliste dès 1945, le Royaume-Uni s'engage dans une décolonisation progressive, rendant ainsi la tentative de l'ex-Premier ministre vaine. Mais d'autres pays colonisateurs n'ont pas tenu leurs promesses. A la conférence de Brazzaville le 8 mai 1944, le général De Gaulle s'engage à mener une politique de réformes à la fin du conflit, notamment en matière de colonisation. Mais, lors de l'émeute de Setif en Algérie, le 8 mai 1945, faisant 103 morts parmi les Européens, la répression française engendre des milliers de morts.

C) Le soutien des Etats-Unis et de l’URSS

La Seconde Guerre mondiale a engendré l'apparition de deux superpuissances: l'URSS et les Etats-Unis. Tous deux marquaient déjà leur anticolonialisme avant la guerre mais pour des motifs bien différents. L'histoire motivait les Etats-Unis. En effet, en tant qu'ancienne colonie, elle ne pouvait soutenir un système qui l'opprimait par le passé. Quant à l'URSS, l'idée de la lutte des classes entre ouvriers et bourgeois était similaire à celle menée entre les peuples colonisés et les métropoles. Le rang de superpuissance n'a fait qu'ajouter du poids à cet anticolonialisme des « Grands ». En mars 1942, les Etats-Unis déclarent que « toutes les nations possédant un domaine colonial devront coopérer avec les peuples de ces régions pour les rendre aptes à recevoir le statut d'indépendance nationale ». Ils accordent ainsi en 1946 l'indépendance aux Philippines, colonie étasunienne depuis 1986, mais ne se positionnent pas officiellement pour ne pas gêner le Royaume-Uni, la France, la Belgique et les Pays-Bas, des alliés confrontés aux mouvements nationalistes. Pour sa part, Staline déclare à la conférence de Yalta que « le premier devoir est de donner l'indépendance aux peuples des empires coloniaux ».

D) La fin des mandats

Dans un tel contexte, les puissances coloniales que sont le Royaume-Uni et la France se voient dans l'obligation d'accorder l'indépendance aux mandats qui leurs avaient été confiés par la Société des Nations après la Première Guerre mondiale. En mai 1945, des populations colonisées se rebellent contre la France. En août de la même année, le Liban et la Syrie obtiennent l'indépendance et le 31 décembre 1946, le dernier soldat français quitte Beyrouth. De son côté, le Royaume-Uni accorde l'indépendance à la Transjordanie en 1946. Sous mandat britannique, la Palestine connaît un climat de guérilla opposant près de 560 000 Juifs à 1 200 000 Arabes. Le 29 novembre 1947, sous recommandation de l'ONU, la Palestine est divisée en deux États: un État juif et un État arabe. Le 14 mai, l’État d'Israël est proclamé et le Royaume-Uni met fin à son mandat le 15 mai 1948.

La Seconde Guerre mondiale a donc enclenché le processus de décolonisation en affaiblissant les puissances colonisatrices et en portant au rang de superpuissances deux États anticolonialistes.

II) Les décolonisations du XXème siècle

La décolonisation se déroule en deux phases successives: une première en Asie entre 1945 et 1954, puis une seconde en Afrique, de 1954 à 1990.

A) 1945-1954 : la décolonisation asiatique

Un mouvement nationaliste existait déjà depuis 1885 en Inde: le Parti du Congrès. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le Premier ministre britannique Atlee est favorable à la décolonisation. Mais l'opération semble plus compliquée qu'elle n'aurait pu paraître: de la mosaïque de peuples et de religions existant en Inde émergent un groupe hindou, dirigé par le Parti du Congrès, et un groupe musulman dirigé par la Ligue musulmane d'Ali Jinnah, tous deux réclamant un Etat.

Ali Jinnah (1876-1948), www.pakistan.gov.pk

Les incidents deviennent de plus en plus graves et violents en août 1946, et dégénèrent en une véritable guerre civile. Désireux de régler le problème au plus vite, le Royaume-Uni se retire de l'Inde. Le vice-roi des Indes, Lord Mountbatten est alors seul pour régler la situation. L'indépendance de l'Inde est reconnue le 2 juin 1947 et le plan de partition du territoire aboutit le 15 août 1947 à la création de l'Inde, dirigée par Nehru, le second chef du Parti du Congrès, et du Pakistan, Etat musulman unissant le Pakistan occidental et oriental. Les transferts de population entre les Etats ne se font pas sans conséquences. Ils se soldent en effet par de nombreux affrontements et massacres, ainsi que par l'assassinat de Gandhi par un extrémiste hindouiste le 30 janvier 1948. Afin de conserver aussi de bonnes relations avec ses autres colonies, le Royaume-Uni négocie de la même manière avec tous ses territoires asiatiques. Il en résulte notamment l'indépendance de Ceylan, actuel Sri Lanka, et de la Birmanie en 1948. Contrairement au Royaume-Uni, les Pays-Bas ne veulent pas abandonner leur riche colonie indonésienne. Le 17 août 1949, les nationalistes indonésiens, encouragés au cours de la guerre par le Japon voulant lutter face à l'avancée des Etats-Unis dans le Pacifique, proclament l'indépendance et élisent le docteur Sukarno, un des meneurs des indépendantistes, président de la république Etats-Unis d'Indonésie. L'Etat néerlandais tente alors de reprendre le pouvoir par la force armée mais se heurte à l'hostilité de l'ONU qui condamne cette intervention et des Etats-Unis qui le pousse à la négociation. Le 27 décembre 1949, les Pays-Bas signent des accords conférant l'indépendance aux Etats-Unis d'Indonésie. Malgré cette perte, les Pays-Bas connaissent une période de prospérité économique inattendue par la suite. En Indochine, Hô Chi Minh, chef communiste des indépendantistes, proclame le 2 septembre 1945 à Hanoï, l'indépendance de la République démocratique du Vietnam. La France qui voulait reprendre pied en Indochine envoie alors des représentants afin d'entamer des négociations. Mais sur le territoire, le haut commissaire Thierry D'Argenlieu joue double jeu. Celui-ci voit d'un mauvais œil les accords Hô-Sainteny signés par Hô Chi Minh et le représentant français Jean Sainteny le 6 mars 1946, par les lesquels « la France reconnaît la République du Viêt Nam comme un État libre ayant son gouvernement, son Parlement, son armée et ses finances » et qu'il considère comme un « Munich indochinois », en référence aux accords de Munich signés en 1938 entre le Royaume-Uni, la France et les forces de l'Axe qui ont permis à l'Allemagne nazi l'annexion des Sudètes. Les entretiens qu'il a avec Hô Chi Minh par la suite à bord de l'Emile Bertin dans la Baie d'Ha-Long, ne permettent de rapprocher le point de vue des deux hommes. Alors que l'indépendantiste vietnamien et parti en France avec Raoul Salan afin de continuer les négociations à Fontainebleau, D'Argenlieu proclame en réponse aux accords Hô-Sainteny la République de Cochinchine le 1er juin 1946. Le 23 novembre 1946, il prend pour prétexte l'agitation nationaliste pour faire bombarder le port d'Haiphong en Tonkin. Le mois suivant, un massacre d'Européens à Hanoï marque le début d'une guerre de 8 ans, qui devient par la même occasion un nouveau front entre le bloc de l'Est et de l'Ouest. Tandis que Moscou et Pékin aident Hô Chi Minh, l'effort de guerre de la France est entièrement financé par les Etats-Unis. Mais le pays colonisateur n'arrive pas à venir à bout de l'armée vietnamienne commandée par le général Giap qui obtient le 7 mai 1954 la capitulation de 12 000 Français à Diên Biên Phu. Les accords de Genève signés le 21 juillet 1954 marquent la fin de cette guerre d'Indochine. Ceux-ci accordent l'indépendance du Laos, du Cambodge et séparent le Vietnam en deux zones au niveau du 17ème parallèle dans l'attente de nouvelles élections. Au Nord se trouve désormais la République démocratique du Vietnam dirigée par Hô Chi Minh, et au Sud, la République de Saigon, dictature sous influence étasunienne. Cette séparation aboutit par la suite à la fameuse guerre du Vietnam, tout aussi meurtrière et aboutissant à la reconquête du Sud par le Nord-Vietnam soit à l'échec de la politique d'« endigment » du communisme des Etats-Unis. Pour finir, la France redonne à l'Inde les cinq comptoirs qu'elle possédait depuis le XVIIIème siècle.

B) 1954-1990 : les décolonisations en Afrique

Bien que l'indépendance de la Lybie, ancienne colonie italienne sous tutelle de l'ONU, ait été proclamée en 1951, la France s'obstine à ne pas abandonner la Tunisie. En 1952, le chef du mouvement indépendantiste tunisien Habib Bourguiba est arrêté et emprisonné en France. La défaite du Diên Biên Phu en mai 1954 marque le début de la décolonisation africaine. A Carthage, en juillet 1954, le nouveau président du Conseil Pierre Mendès fait la promesse de reconnaître « l'autonomie interne de l'Etat tunisien ». Bourguiba est alors libéré et retourne à Tunis en juin 1955. L'indépendance de la Tunisie est accordée le 20 mars 1956. Un processus similaire a lieu au Maroc où le sultan Mohammed Ben Youssef soutenant du parti indépendantiste de l'« Istiqal » a été arrêté par les autorités françaises en août 1953. Cet événement entraine dès lors une vague d'attentats dans les villes marocaines, forçant ainsi la France à opter pour des négociations. En 1955, la France libère le sultan. Ce dernier fait une entrée triomphale à Rabat le 16 novembre 1955. Il devient le souverain d'un Maroc entièrement indépendant le 2 mars 1956, sous le nom de Mohammed V. L'Algérie représente un cas singulier. Considérée comme département français suite à sa colonisation, la colonie abrite une importante minorité européenne, les « pieds noirs », représentant 1 million d'habitants sur un total de 9 millions en 1954, et se considérant comme algériens au même titre que les Arabes et les Berbères. Le 1er novembre 1954, le Front de Libération Nationale, ou FLN* lance une vague d'attentats contre les colons français. Croyant qu'une réforme leur serait fatale, les pieds noirs refusent de changer de position. Quant à l'élite algérienne, elle abandonne progressivement le légalisme de l'ancien meneur nationaliste Ferhat Abbas et se radicalise. Le FLN étend ainsi petit à petit la rébellion à toute l'Algérie par la guérilla et le terrorisme. La France prend donc les armes, use de la torture, et s'assure de la maîtrise du terrain au prix de 200 000 à 300 000 morts malgré le soutien qu'accordent l'étranger et l'ONU au FLN. Peu à peu, l'opinion publique est gagnée par la lassitude et une émeute de la foule souhaitant que l'Algérie reste française éclate à Alger le 13 mai 1958 et ramène De Gaulle au pouvoir. Afin d'éviter une nouvelle humiliation de la France et de régler le problème de l'Algérie au plus vite, celui-ci enclenche le processus d'indépendance au détriment des pieds noirs et des militaires qui se sentent dès lors trahis. En 1961 est fondée l'OAS, organisation clandestine regroupant les Français d'Algérie et les anciens militaires. Ce mouvement terroriste tente d'empêcher les négociations entre le FLN et la France par le biais de nombreux attentats. Mais malgré l'activisme de l'OAS, le coup de force des généraux en avril 1961 et les diverses crises politiques, un référendum a lieu en janvier 1961, les accords d'Evian sont signés le 18 mars 1962 et l'indépendance de l'Algérie est proclamée le 3 juillet 1962. La guerre d'Algérie aura laissé derrière elle un lourd sentiment de culpabilité du fait de la torture assumée par de nombreux officiers et des Harkis, militaires algériens de l'armée française, entièrement abandonnés au sortir du conflit, et des morts inutiles de toutes parts. En Afrique noire, la décolonisation se fait davantage par consentement mutuel. Le 6 mars 1957, le Royaume-Uni accorde l'indépendance au Gold Coast, actuel Ghana. Suivent alors le Nigeria en 1960, la Tanzanie en 1961, l'Ouganda et le Kenya en 1963. Tous adhérent au « Commonwealth », organisation créée par la Grande Bretagne lui permettant de maintenir des liens avec ses anciennes colonies. En Afrique Noire francophone, la loi-cadre dite loi Defferre, votée le 23 juin 1956, permet la marche vers l'autonomie. En 1958, tous les territoires hormis la Guinée de Sekou Touré intègrent alors l'Union Française, organisation proposée par le général De Gaulle similaire au Commonwealth britannique leur accordant l'autonomie interne, une aide économique, mais les rendant dépendants de la France en matière de défense, de diplomatie et de monnaie. En 1960, ces colonies accèdent à l'indépendance totale, mais conservent des liens de coopération avec la France, ce qui était souhaité par certains défenseurs de la « négritude », ensemble des valeurs culturelles et spirituelles revendiquées par les peuples noirs, tel que Léopold Sédar Senghor. Au Congo belge, la plus vaste et la plus riche colonie d'Afrique noire, l'émancipation se complique. L'indépendance acquise le 30 juin 1960 aboutit à une guerre civile entre les peuples émancipés. Ce conflit atteint son paroxysme avec l'assassinat du Premier ministre de la république démocratique Patrice Lunumba le 17 janvier 1961, dans des circonstances non élucidées à ce jour. L'ordre n'est rétabli qu'avec le coup d'Etat du général Mobutu en novembre 1965. Le Burundi et le Rwanda acquièrent leur indépendance en 1962. A la fin des années 1960, seules les colonies portugaises, la Guinée-Bissau, le Cap-Vert, le Mozambique et l'Angola ne se sont pas émancipés. Leur indépendance n'est acquise que suite à la révolution du Portugal le 25 avril 1974 mettant fin à la dictature salazariste. En Angola, une guerre civile oppose l'Union Nationale pour l'Indépendance Totale de l'Angola, ou UNITA, aidée par l'Afrique du Sud et le Mouvement Populaire pour la Libération de l'Angola, ou MPLA, soutenue par l'URSS et Cuba. En 1980, la Rhodésie du Sud britannique devient l'Etat indépendant du Zimbawe. En 1990, la Namibie, ancienne colonie allemande confiée sous mandat à l'Afrique du Sud, acquiert son indépendance grâce aux Etats-Unis et à l'ONU.

Nelson Mandela (1918- ), http://www.africapresse.com/wp-content/uploads/2009/02/nelson-mandela2.jpg

Enfin, les premières élections multiraciales de 1994 en Afrique du Sud, indépendante depuis 1991, donnent le pouvoir au chef du Congrès National Africain, ou ANC, Nelson Mandela, marquant ainsi la fin de l'Apartheid* qui était en vigueur de 1948 à 1992 dans le pays.

La décolonisation prend donc fin dans les années 1990 avec l'émancipation de l'Afrique du Sud. Bien que l'indépendance a parfois dû être acquise par les armes, certains anciens pays colonisateurs, comme le Royaume-Uni et la France, réussissent à garder des liens avec leurs anciennes colonies, notamment par le biais d'unions économiques tel que le « Commonwealth ».

III) Naissance et éclatement du Tiers-Monde

La décolonisation ébranle littéralement le monde bipolaire de la Guerre Froide en donnant naissance à des Etats soucieux d'affirmer leur identité.

A) La naissance du Tiers-Monde

En avril 1955, à Bandung, en Indonésie, ces nouveaux Etats émancipés font entendre la voix de ce que le démographe français Alfred Sauvy appelle le « Tiers-Monde » en référence au Tiers-Etat français. Selon lui, « ce Tiers-Monde ignoré, méprisé, comme le Tiers-Etat, veut lui aussi devenir quelque chose ». Les pays composant ce groupe d'Etats très hétérogènes ont alors pour point commun le fait de ne pas avoir connu l'industrialisation du XIXème siècle. Les débats de la conférence de Bandung auxquels ne prennent part ni les Etats-Unis ni l'URSS sont dominés par les interventions du chinois Chou En-Lai et du Premier ministre indien Nerhu. Très vite, des divergences idéologiques et d'intérêts économiques se font connaître. Les Etats participant à la conférence se partagent en effet entre pro-occidentaux, communistes et neutralistes. Ils arrivent néanmoins à se mettre d'accord pour condamner toute ingérence à l'intérieur des nouveaux Etats et affirmer la nécessité de mettre en œuvre une coopération entre pays riches et pays pauvres. Le Tiers-Monde souhaite aussi chercher une autre voix et faire de ses membres des acteurs à part entière dans le système international. Ainsi, en juillet 1956, le président égyptien Nasser décide la nationalisation du canal de Suez au détriment des intérêts de la France, du Royaume-Uni et d'Israël qui entame des représailles armées en formant le protocole de Sèvres. Le but est ici de renverser le président égyptien. La crise se termine grâce à l'ONU qui mène sa première opération multilatérale en envoyant les Forces d'Urgence des Nations Unies, ou FUNU, ancêtres des Casques Bleu à partir de novembre 1956 afin de restaurer la paix et éviter toute attaque nucléaire de l'URSS qui soutenait l'Egypte. Cette dernière après avoir stoppé une offensive israëlienne, avait menacé la France et le Royaume-Uni d'une riposte nucléaire. Les Etats-Unis de leur côté exigeaient le retrait des troupes occidentales. Cette crise de Suez montre de manière éclatante que les anciennes puissances coloniales n'avaient plus d'influence dans cette région et qu'une puissance du Tiers-Monde s'est affirmée sur la scène internationale. L'accès à l'ONU des pays émancipés leur a donné une large majorité à l'Assemblée Générale de l'organisation. En 1961, le birman U Thant devient secrétaire général de l'ONU, succédant ainsi à un Norvégien et un Suédois. Cette même année naît sous l'impulsion du yougoslave Tito, de l'indien Nehru et de l'égyptien Nasser le mouvement des non-alignés. Vingt-cinq Etats entendent s'affirmer comme des acteurs à part entière dans le système international et rejeter toute alliance avec une grande puissance. En 1964, 77 pays du Tiers-Monde obtiennent la création de la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement, ou le CNUCED, qui lance l'idée d'un dialogue Nord-Sud, et émet l'exigence qu'au moins 1% du produit intérieur brut des pays industrialisés revienne aux pays du Tiers-Monde. Dans les années 1960, les pays du Tiers-Monde se rassemblent dans des organisations destinées à imposer leur poids sur la scène internationale. Ainsi est fondée en 1960 l'Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole, ou OPEP, centrée sur le monde arabe, qui entend tirer meilleur profit de l'« or noir » encore contrôlé par les compagnies occidentales. En 1963, l'Organisation de l'Unité Africaine rassemble tous les nouveaux Etats afin d'essayer de régler leurs litiges territoriaux. En 1967, l'Association des Nations d'Asie du Sud-Est, ou ASEAN, souhaite mettre en place une collaboration économique entre les Philippines, la Malaisie, l'Indonésie, la Thaïlande, et la République de Singapour. Au sommet d'Alger en 1973, les non-alignés réclament un « nouvel ordre économique mondial » mettant « fin à la division du monde en zones d'abondance et en zones de pauvreté intolérable ».

B) Un Sud sous tension

Malgré toutes ces avancées, les tensions au sein du Tiers-Monde se font de plus en plus fortes. Au Biafra, au Sud-Est du Nigeria, une guerre civile oppose les musulmans du Nord du pays aux Ibos chrétiens du Sud-Est entre 1967 et 1970. En 1994 a lieu le génocide des Tutsis par les Hutus au Rwanda. De nombreuses guerres ethniques font rage en Sierra Leone et au Liberia. En outre, de nombreuses minorités se révoltent, se considérant comme un peuple à part entière. Ainsi, les Tibétains protestent contre l'autorité de Pékin, et les Kurdes dénoncent les persécutions des Turcs et des Iraniens. En Inde, les Sikhs du Pendjab et les musulmans du Cachemire veulent faire session. Au Liban, les tensions entre chrétiens et musulmans mènent à l'affrontement direct. A cela s'ajoutent les conflits entre pays du Tiers-Monde. Entre 1978 et 1979, le Vietnam envahit le Cambodge et chasse les Khmers rouges qui y avaient installé une dictature pseudo-communiste. Au Moyen-Orient, une guerre oppose l'Iran à l'Irak entre 1980 et 1988. L'impuissance des non-alignés s'explique par ces tensions. Ce mouvement perd définitivement sa raison d'être avec la fin de la Guerre Froide et la disparition de l'URSS entre 1989 et 1991.

C) Un Sud éclaté

Le Tiers-Monde n'est donc pas solidaire et reste en position de faiblesse face à l'Occident. Les pays les moins avancés, ou PMA, s'estiment toujours victimes de l'héritage colonial qui aurait empêché leur développement et dénoncent la domination néo-coloniale des pays du Nord, du fait de leur endettement et de la dégradation des échanges avec ces derniers. Ce qui aurait pu aboutir par une victoire des Suds sur les pays industrialisés se solde en réalité par l'éclatement du Tiers-Monde. D'un côté se trouvent les Etats producteurs de matières premières, dont le pétrole, ou bénéficiant de la délocalisation des activités, qui forment la catégorie des Nouveaux Pays Industrialisés, ou NPI, avec entre autres les pays d'Asie de l'Est tels que la Chine, la Malaisie, et les quatre dragons, soit la Corée du Sud, la Taïwan, Singapour, et la Hong Kong. De l'autre côté se trouvent les pays pauvres, pour la plupart du Sud du Sahara africain, s'enfonçant dans la spirale du sous-développement.

Conclusion

Ainsi, la décolonisation trouve ses origines dans les tensions grandissantes du XIXème et du début du XXème siècle, ayant atteint leur paroxysme avec la Seconde Guerre mondiale. Ce processus se déroule en deux vagues successives: une première en Asie de 1945 à 1954 et une seconde en Afrique de 1954 aux années 1990. Ces pays émancipés ont tenté vainement de s'imposer face aux deux blocs en formant le Tiers-Monde mais leurs différences idéologiques et politiques ont eu raison de leur union. Les relations internationales sont donc d'autant plus bouleversées en 1991 avec l'éclatement du Tiers-Monde et du bloc de l'Est, qui laissent les Etats-Unis seuls face à des Etats aux problèmes nombreux et divers.