L'an Mil se caractérise en premier lieu selon Poly et Bournazel par la naissance d'un nouvel ordre politique, économique et social et ce en trois étapes. La première étape concerne un changement géopolitique majeur: la fin de l'Empire carolingien qui oblige à une réorganisation géopolitique du Nord-Ouest de l'Europe occidentale.
Après avoir repris le pouvoir délaissé par les successeurs de Clovis, les mérovingiens, les carolingiens se forgent un Empire puissant grâce à l'action de Pépin de Herstal, Charles Martel, puis Pépin le Bref en 751, en rassemblant les peuples sur lesquels la domination des anciens rois n'était plus d'actualité, et en faisant progressivement de l'Église un appareil de l'État central garantissant une source de légitimité. Il atteint son apogée sous Charlemagne mais meurt progressivement à partir de 814. Cette année, Louis le Pieux succède à l'auteur de l'organisation interne de l'Empire. Souvent dépeint comme un empereur indécis et manipulé par son entourage et par l'Église de plus en plus forte, prenant des décisions conduisant plus souvent à des nouveaux problèmes qu'à des solutions. Commence alors la lente fin de l'œuvre carolingienne. Au cours de la première partie du règne de le Pieux, de nombreuses mesures radicales sont prises. Entre autres, il éloigne les principaux collaborateurs de son père du palais ainsi que son entourage de bons vivants. De même, il contraint ses sœurs célibataires à porter le voile. Sous l'influence de l'abbé d'Aniane Benoît, il donne à la cour et au gouvernement une allure quasi monastique. Il supprime en outre de son titre les fonctions de roi des Francs et de Lombards, pourtant chers à son père, ne conservant alors que celui d'empereur Auguste. A la perte de pouvoir s'ajoute le manque d'argent pour entretenir les soldats. Ceux-ci étaient récompensés par une terre, ou seigneurie, offerte à titre d'usufruit viager, ou droit d'usage et d'habitation à vie, par l'Empereur afin d'éviter les débordements en temps de paix et remédier à un manque d'argent premier empêchant toute rémunération et à des abus commis en temps de paix. Les problèmes financiers s'aggravant, Louis le Pieux se trouve dans l'obligation de donner des terres en pleine propriété et non plus à titre d'usufruit viager. En dernier s'ajoute la tradition franque de partage entre les fils des terres du père qui, avec les problèmes précédents, entraîne le morcellement de l'Empire.
En 840, Lothaire succède à Louis le Pieux. Cependant, ses deux frères cadets, Louis le Germanique et Charles le Chauve, mécontents de pas avoir hérité du trône, s'allient et se liguent contre leur frère et demi-frère aîné. Le nouvel empereur perd la guerre contre ses cadets lors de la bataille de Fontenoy-en-Puissaye l'année suivante. Le 14 février 842, Louis le Germanique et Charles le Chauve consolident leur alliance par le Serment de Strasbourg, événement marquant à la fois dans l'Histoire politique et linguistique. En effet, chacun des deux frères jure fidélité à l'autre devant leurs armées respectives dans la langue romane et germanique. Face aux pressions de cette alliance de plus en plus forte, Lothaire cède et finit par signer avec ses cadets le traité de Verdun en 843 qui partage l'Empire carolingien. Charles le Chauve obtient alors le royaume de Francie occidentale, et Louis la Francie orientale. Quant à Lothaire, son royaume se réduit désormais à la zone intermédiaire entre les deux Francies, appelée Lotharingie.
Les deux cadets tentent alors de s'approprier le royaume de leur aîné qui meurt en 855. Son fils Lothaire II lui succède mais meurt quelques années après en 869. Son frère Louis II, trop occupé par la guerre en Bénévent en actuelle en Italie du Sud, il ne peut récupérer l'héritage. Ses oncles se partagent alors la Lotharingie suite au traité de Meersen en 870, laissant alors la partie italienne à Louis II. Deux siècles plus tard, la dynastie des Ottons réussit à réunir la Lotharingie et la Francie orientale, et récupère le titre d'empereur, formant ainsi le Saint-Empire romain germanique. Pendant ce temps, la Francie occidentale se détache et devient progressivement le royaume de France. L'Empire carolingien disparaît alors géopolitiquement du fait de la politique des successeurs de Charlemagne.
Un autre facteur est à prendre en compte dans la disparition de l'Empire carolingien: les grandes invasions. Au cours du IXème et Xème siècle, l'Europe occidentale et l'Empire carolingien pour la première partie de cette période, subissent une triple invasion de peuples d'origines et de cultures complètement différentes: les Vikings originaires de Scandinavie, certains peuples des pays musulmans appelés sous le terme générique de Sarrasins par l'Empire, et les Hongrois peuple de cavaliers d'origines finno-ougriennes. Le phénomène n'est pas négligeable d'autant plus que chacun des envahisseurs a un style de combat différent et relativement novateur, mettant à mal l'armée carolingienne basée sur des corps de cavaliers chargeant accompagnés de fantassins et éventuellement d'arbalétriers, bien que cela était considéré comme un déshonneur.
Les vikings étaient des marchands-pirates originaire de Scandinavie. Ils regroupaient au départ des marginaux recherchant d'autres terres où vivre ou des richesses pour s'imposer devant leur peuple politiquement. Mais très vite, ils s'inscrivent dans un mouvement plus organisé du fait des richesses rapportées par les différents raids. S'ensuit alors une vague d'attaques contre les différents royaumes européens et l'Empire carolingien. Leurs bateaux permettant de remonter les fleuves et l'armée carolingienne étant trop longue à convoquer, ils réussissent à piller de nombreux espaces de l'Empire avec une violence ayant nourri de nombreuses légendes. Suite à la mort de Charlemagne en 814, le morcellement de l'Empire s'amplifie jusqu'à sa fin effective. Les vikings en profitent alors pour augmenter le nombre d'attaques. Au Sud de l'Europe, ils entrent en Francie occidentale par la Seine et la Loire et ce sans résistance de la part de l'armée carolingienne, démunie, et attaquent Paris en 886 pour la seconde fois mais sont cette fois-ci repoussés après un long siège grâce au comte Eude, fils du marquis Robert le Fort. Ce dernier avait pris l'initiative de faire bloquer le pont de la Seine afin d'obliger les envahisseurs à accoster et engager un combat terrestre. Le roi arrive donc avec l'armée après la bataille et entame, au grand étonnement de la population, les négociations avec le chef des vikings Rollon. Cet acte largement à l'origine de son discrédit, s'explique par le manque de moyens pour défendre le royaume et l'importance de Paris rendant nécessaire sa protection. Le monarque confie de fait la Normandie dans le but d'empêcher les vikings, si ce n'est d'attaquer le royaume, d'au moins empêcher le pillage de Paris, et l'autorise en outre à piller la Bourgogne afin de calmer l'ardeur de l'équipage: c'est la cession de la basse vallée de la Seine. En 912, Rollon se fait baptiser. Malgré une forte population scandinave, la Normandie devient rapidement une principauté française. Y sont en effet restaurés des monastères et églises ainsi que certaines institutions carolingiennes bien que celles-ci s'effondrent dans le reste du royaume.
À cette première vague d'invasions s'ajoutent les vagues hongroises et sarrasines. Les Hongrois étaient un peuple se battant en usant de la cavalerie légère, pouvant alors lutter relativement facilement face à la cavalerie lourde carolingienne du fait d'une plus grande liberté de mouvement. De la Pannonie en Europe de l'Est qu'ils occupent au début du IXème siècle, ils attaquent le royaume de Danemark, de Francie occidentale, la Provence, les Pouilles au Sud-Est de l'Italie et les villes de la région du Rhin supérieur entre 899 et 933, devenant alors la terreur d'Europe centrale et orientale.
La protection de la population incombait aux seigneurs locaux jusqu'à ce que les mesures défensives d'Henri Ier de Germanie rendent effective la protection du Saint Empire romain germanique par la création de systèmes de fortifications. Les seigneurs dans ce but faisaient construire des refuges tel que le Chastel de Lostorf. L'ampleur des dégâts causés par les Hongrois est difficile à estimer, ce qui est notamment lié à la tendance des récits ultérieurs à exagérer ces dommages. Les peuples sarrasins, quant à eux, étaient pour la majorité soit des peuples maures soit des peuples berbères d'Afrique du Nord, tous de confession musulmane. Leurs méthodes étaient relativement semblables à celles des vikings et s'étaient particulièrement illustrées dans la conquête du Sud de l'Espagne par les Maures au VIIIème siècle.
L'Empire carolingien disparaît alors du fait de ces deux facteurs. S'ensuit une transformation géopolitique de l'Europe qui est alors partagée entre le Saint-Empire romain germanique, le royaume de France et les royaumes alentours.