Chapitre 2

Intégration des territoires périphériques et développement du local: vers une atténuation des déséquilibres?

Introduction

I) Modèle centre-périphérie et méthodes d'intégration des territoires en marge

II) Des périphéries intégrées et dynamiques et périphéries entre effet tunnel, enclavement et déprise

III) Les territoires ultra-marin à l'heure de l'UE

Conclusion

Introduction

Parler d'inversion des déséquilibres de développement amène à revoir la vision générale de l'intégration des périphéries françaises: y a-t-il atténuation des déséquilibres par le désenclavement de ces territoires ou bien, plus qu'une inversion, y a-t-il naissance de nouvelles inégalités de développement? Pour le savoir, une analyse en trois points sera menée. Un premier expliquera le modèle centre-périphérie ainsi que les méthodes d'intégration des territoires enclavés. Le second dressera une typologie des territoires en fonction de cette intégration. Enfin, un dernier sera consacré aux territoires ultra-marins qui doivent faire face à de nouveaux problèmes avec le développement de l'Union Européenne (UE).

I) Modèle centre-périphérie et méthodes d'intégration des territoires en marge

Le modèle centre-périphérie est un modèle pratique pour penser les relations entre les territoires largement utilisé en géographie et destiné à être applicable à tout les territoires du monde à toutes les échelles. Il s'agit de déterminer une relation de subordination ou de dépendance d'un territoire dit périphérie face à un autre qui concentre les fonctions de commandement politique, économique et culturel ainsi qu'un certaine masse de population, dit centre. Parce que l'échelle choisie peut varier, un territoire peut être à la fois un centre et une périphérie. Ainsi, Orléans est à la fois périphérie de Paris à l'échelle nationale et centre avec Tours à l'échelle régionale. De même, la Martinique est une périphérie nationale et un territoire ultra-périphérique de l'UE, et un centre de la Caraïbe. Cette relation suppose une série d'échanges asymétriques dont les degrés varient considérablement. Dès lors, on peut parler de degrés d'intégration des territoires périphériques allant du territoire entièrement enclavé au territoire intégré et parfaitement relié au centre par divers réseaux. Les périphéries, notamment françaises, ont pour point commun d'avoir un élément qui les distingue du centre et qui constitue à la fois une richesse et une contrainte pour ces territoires car à l'origine de leur enclavement plus ou moins fort et donc d'un retard de développement. Ainsi, les îles françaises souffrent de leur exigüité pourtant constitutive de l'identité des insulaires et les villes et régions montagneuses ne peuvent développer une agriculture intensive pourtant sollicitée par la mondialisation du fait de la pente et du climat. Ce retard de développement est considérable. En Martinique, le taux d'illettrisme concerne 35% de la population contre 14% en métropole. En 2008, en Corse, le PIB par habitant atteignait 24 000 euros contre 30 500 dans l'ensemble du territoire français. Toutefois, des décisions ont été prises à partir des années 1960 par l'Etat français pour intégrer les périphéries au territoire national. Ces méthodes d'intégration se basent tout d'abord sur l'aménagement du territoire. Ainsi en 1963, le Languedoc-Roussillon fait l'objet de la Mission Racine, soit d'un plan d'aménagement qui a rendu la région touristique et permis le développement d'un littoral ouest-méditerranéen tant à l'échelle nationale que régionale. Elles s'appuient aussi sur les ressources locales. On privilégie alors les acteurs privés ou publics à l'échelle du territoire afin de cibler les projets de développement sur un aspect précis du territoire donné. C'est le cas des parcs nationaux qui visent à asseoir le développement sur le patrimoine culturel et naturel des espaces. C'est aussi le cas des projets de développement autour des coopérations transfrontalières valorisant la situation d'interface des territoires concernés.

II) Des périphéries intégrées et dynamiques et périphéries entre effet tunnel, enclavement et déprise

Cependant, ces méthodes sont loin d'avoir intégré toutes les périphéries et éliminé les disparités de développement. Elles sont parfois même à l'origine de nouvelles inégalités. En effet, on peut déterminer des espaces périphériques intégrés et des espaces périphériques touchés par la marginalisation.

A) Les périphéries intégrées

Deux types de périphéries intégrées peuvent être distinguées. Tout d'abord, on trouve les espaces périurbains des grandes aires métropolitaines qui sont intégrées au fonctionnement même de l'agglomération notamment par les migrations pendulaires des travailleurs (cas de Beaugency et Orléans en région Centre ou de Orléans et Paris). Ce phénomène entraîne même l'émergence dans certains territoires de centralités secondaires gagnant en autonomie tels que les technopôles ou certaines villes secondaires comme Marne-la-Vallée. Viennent ensuite les marges ayant changé de statut du fait de la valorisation des ressources naturelles de celles-ci. Il s'agit ici des littoraux, de certaines montagnes (Alpes du Nord en particuliers) et des régions transfrontalières dont l'intégration européenne a contribué à un renouveau économique.

B) Les marges

Cette intégration est inégale en fonction des périphéries. Ainsi, au premier ensemble s'opposent des périphéries enclavées dites marges. Ceux-ci se divisent en trois cas. Un premier concerne des territoires déjà en difficulté et cumulant les handicaps (cas des moyennes montagnes qui font face à une crise de l'activité agricole et une crise démographique). Le second est celui des territoire touchés par l'effet tunnel tels que la Bourgogne. Ces territoires sont traversés par les flux d'échanges intensifiés par la métropolisation du territoire national sans y participer ou en tirer profit. Enfin, on note des marges à l'intérieur même des régions dynamiques telles que les ZUS (Zones Urbaines Sensibles).

Les méthodes d'intégration des périphéries ont donc moins atténué les inégalités qu'accentué et engendré de nouvelles disparités de développement.

III) Les territoires ultra-marin à l'heure de l'UE

Pour finir, il est nécessaire d'aborder le cas des territoires ultra-marins français qui présentent des nombreuses spécificités liées à l'insularité, la tropicalité, et les liens les unissant à l'Europe dans un cadre d'héritage colonial encore fort de nos jours. Ces espaces sont soumis à des statuts juridiques variés et singuliers (DROM français par exemple, ces espaces étant les seules régions mono-départementales du pays) correspondant à différents degrés d'autonomie. Elles sont aussi des ressources stratégiques car en tant qu' "espaces-confins" de la souveraineté nationale, ils renvoient directement à la question du contrôle territorial. Ce contrôle s'exerce désormais plus sur les migrations, notamment clandestines, que sur les questions militaires. Cela prend une tournure singulière avec l'UE: ces territoires ne font pas partie de l'espace Schengen. En outre, le traitement de ces territoires par les pouvoirs publics a nettement évolué, passant d'une logique de compensation des handicaps à l'affirmation du local par la valorisation des ressources propres et l'implication croissante des acteurs locaux. Les cadres juridiques ont de même été modifiés. Ainsi, l'UE, de par un article du traité d'Amsterdam, accorde un statut juridique spécifique aux DROM français avec la notion de régions ultra-périphériques (RUP). Elle reconnaît alors les spécificités des RUP et la nécessaire adaptation des politiques menées à leur situation et contraintes permanentes.

Conclusion

En conclusion, l'intégration des périphéries est bien loin d'atténuer les inégalités de développement. Si certaines périphéries connaissent une forme de prospérité, d'autres font encore face de nombreuses difficultés parfois au sein même de régions développées.